Victoria Magniant, design alternatif

J’ai étudié le graphisme à la Central St Martin’s à Londres. À mon retour en France, les opportunités se sont enchaînées les unes après les autres : assistante d’artiste puis photographe, très vite directeur artistique et, avant d’avoir le temps de réaliser, directeur de création dans le secteur du luxe. Maintenant, je cherche à faire émerger un artisanat numérique qui s’appuie sur de nouveaux systèmes de production, viables pour le long terme. Mes clients sont principalement des architectes d’intérieur, des amateurs de design innovant et des collectionneurs. Avec le recul, je crois que ce qui séduisait avant tout celles et ceux qui m’ont fait confiance pour ces projets si divers, c’est la transversalité de ma démarche. Elle m’a amené à collaborer avec des artisans situés dans le monde entier et à toucher du doigt leurs challenges, partout, aujourd’hui, pour pérenniser le développement de leurs savoir-faire, uniques, indispensables, dans une économie bouleversée.

Le projet est né d’une “hypothèse” (une certitude en fait !) : nous sommes condamnés à produire moins donc mieux. Les systèmes de production industrielle et de distribution du passé ne correspondent ni aux impératifs écologiques, ni à la vitesse de circulation des datas, des idées, des produits. Nous n’avons d’autre choix que celui de choisir notre changement d’habitudes. Mon choix : réinvestir des solutions traditionnelles oubliées et les renouveler par la technologie. Cette recherche m’a amené à étudier des méthodes traditionnelles d’assemblage que des menuisiers japonais ultra-ingénieux ont créé pour élever les temples bouddhistes avec une économie de ressources ainsi que de résistance aux  contraintes climatiques et sismiques de l’archipel. Je me suis ensuite demandée : que feraient ces artisans talentueux avec les outils technologiques du 21^e siècle ? J’ai passé des mois à apprendre, à maîtriser les logiciels, à utiliser les machines, à explorer le potentiel et les limites, des nouveaux modes de production numériques. De là est née la collection de mobilier Daiku que j’ai présentée en juin 2017 à l’occasion d’Anti-Fashion, l’évènement de Li Edelkoort. Le corollaire côté distribution : la Galerie V à travers laquelle j’édite et distribue sans intermédiaires mes créations.

J’ai une affinité certaine avec le travail de Charlotte Perriand. Influencée dans ces premières réalisations, par les principes… du Bauhaus, elle prend très vite conscience de la nécessité de solutions entièrement nouvelles pour que les gens puissent se reconstruire après-guerre. En femme puissante, elle tire son épingle d’un jeu essentiellement misogyne qui l’entoure. Cette pionnière du design est passionnée par la culture du Japon où elle a passé plusieurs années au cours de la seconde guerre mondiale. Sa recherche d’une beauté se dégageant en toute simplicité (apparente) d’une structure, résonne toujours. À sa façon, simplifier, faire le maximum avec peu, est pour moi plus qu’une esthétique ; c’est un principe de vie.

Le projet qui m’anime en ce moment est une nouvelle collection de luminaires sur laquelle je collabore avec un artisan français formidable pour la réalisation de bulles en verre soufflé. Après une série sur le bois, cette recherche autour de la transparence et du reflet est un exercice diamétralement opposé. Je ne vous en dis pas plus, mais j’espère vous les présenter très bientôt !