Familles
Un ancien atelier transformé en lieu de vie éclectique, dans le coeur battant de Lille
Chez
Floriane et Baptiste Dosne, Isaac 10 ans et Asia, 5 ans
Ce pourrait être Amsterdam, ses larges baies vitrées et ses briques sombres, Bruxelles et ses ateliers d’artistes aux mille curiosités. Ou encore un loft éclectique de Brooklyn. Perdu ! C’est à Lille que le duo fondateur du cabinet d’architecture et de design NOCOD, formé par Floriane et Baptiste Dosne, a posé ses valises et ses enfants. Comme beaucoup après la pandémie, ils ont troqué la vie parisienne pour celle, plus aérée, du Nord de la France. Pour ce couple voyageur – leurs projets de scénographies pour de nombreuses enseignes de luxe traversent le monde, de Tokyo à Miami en passant par Dubaï – rien de tel qu’un port d’attache à mi-chemin des grandes capitales d’Europe, tout en offrant un espace et une qualité de vie qu’il ne trouvait plus à Paris. Dans cet ancien atelier de fabrication de projecteurs de cinéma, le décor change régulièrement, au gré des trouvailles et des souvenirs. On y croisera, en vrac, des œuvres d’amis ou de famille, d’anciennes éditions de luminaires, des prototypes pensés par Baptiste Dosne, des objets d’art ancien, de la pop culture à foison et beaucoup de catalogues de ventes aux enchères. Un intérieur tellement incarné, vivant, rempli de choses et d’âme qu’il en serait presque paradoxal vis-à-vis des projets de NOCOD, réputé pour sa précision minimaliste. The Socialite Family a pénétré, intrigué, cette antre familial à l’heure du goûter.
texte
Elsa Cau
Photographies et Vidéos
Jeanne Perrotte, Maeva Dayras
TSF
Floriane, Baptiste, quel est votre parcours ?
Floriane
J'ai fait des études d'architecture, pendant deux ans à Lille et ensuite, j'ai continué à Paris. Avec une année à Mexico !
Baptiste
De mon côté, j'ai commencé par un master d'histoire que j'ai abandonné en cours deroute pour tout recommencer dans l'architecture d'intérieur. Je suis architecte d'intérieur, designer, et marié avec la boss : l'architecte DPLG, Floriane ! Nous sommes associés depuis dix ans.
TSF
Vous êtes-vous tout de suite associés ?
Floriane
Non, moi, j'ai commencé dans une société de production. On faisait des décors, des scénographies de défilés, d'expositions.
Baptiste
Et tu m'as invité à bord ! Moi, j'étais encore étudiant et vous aviez besoin d'aide sur un défilé. On a commencé à travailler en commun à ce moment-là.
TSF
Parlez-nous d’un projet-phare de votre agence.
Floriane
Le projet fondateur, c'était certainement l'exposition itinérante conçue pour Louis Vuitton.
Baptiste
Un projet au long cours et assez dingue ! La maison nous avait confié un dispositif scénographique pour raconter son savoir-faire au travers de différents lieux dans le monde. Et au final, en plusieurs années, on a traversé 17 capitales avec ce projet qui était à chaque fois repensé pour être intégré dans chaque ville, avec une résonance locale aussi, avec des pièces spécifiques aux provenances prestigieuses. Par exemple, en Thaïlande, la famille royale a prêté des pièces iconiques de la maison. On a appelé ça des capsules : c'est une sorte d'objet un peu fou, cette capsule, ce vaisseau spatial qui s'est déployé comme ça un peu partout dans le monde.
TSF
Avez-vous une spécialité ?
Baptiste
On essaye d'entretenir l'idée de ne pas en avoir. Mais on tourne beaucoup autour du luxe, de la mode, ce que l'on nomme le retail, et de manière générale, de la scénographie, de l'expérience. Le résidentiel est secondaire dans notre activité.
TSF
Pourquoi ce nom, NOCOD ?
Baptiste
Ces années dans la prod, dans la scénographie, au cœur des Fashion Week, bosser un jour pour Elie Saab le lendemain, le jour suivant, je ne sais pas, pour un type comme Kanye West, bref, le fait de digérer les codes de toutes ces maisons, toujours motivés par cette envie réelle de faire les choses un peu différemment, ensemble, avec nos codes, nous ont menés sur ce chemin : apprendre et appliquer les codes propres à chaque projet, mais essayer en permanence de les oublier pour être en capacité de proposer autre chose. C'est là qu'on se situe : "no code".
TSF
Donc, vous ne diriez pas qu'il y a un style qui vous définit en particulier ?
Baptiste
Je pense qu'on est très ancrés dans notre temps, dans quelque chose d'extrêmement contemporain. Et puis, on aime casser l'espace, la perception, jouer avec le regard du visiteur. On évolue dans un monde où tout est extrêmement composé, maîtrisé. Nous, on aime créer des accidents, de la lumière aussi, qui est un élément architectural très important chez nous.
TSF
Quelles sont vos actualités du moment ?
Floriane
On vient tout juste de lancer notre toute première collection complète de mobilier. Elle est déjà distribuée en Asie depuis ce printemps, ce qui est super excitant! En parallèle, on prépare une nouvelle version de notre fauteuil Safari, qu’on présentera en septembre avec la galerie Anne Jacquemin Sablon, pendant la Paris Design Week. On a aussi la chance de continuer à collaborer avec de grandes maisons du luxe sur des projets scénographiques et retail partout dans le monde.
On est très ancrés dans notre temps, dans quelque chose d'extrêmement contemporain.
TSF
Dans quel environnement avez-vous grandi ? Cela-t-il influencé vos goûts ?
Floriane
J'ai grandi dans une maison qui a été dessinée par mon père, qui n'était pas du tout architecte, plutôt artiste à la fin de sa vie, mais qui avait suivi des études de dessin industriel. Cette maison était extraordinaire. En pleine campagne du Nord-pas-de-Calais, hyper contemporaine.
Baptiste
Très ouverte sur l'extérieur.
Floriane
Oui, avec de grandes baies vitrées ouvertes sur l'extérieur. Je pense que ça a créé chez moi ce besoin de lumière, les grands espaces, ouverts.
Baptiste
Je peux le dire, ton père, c'était quand même un psychopathe de la composition du dessin, de la maîtrise. Ton père, il ne passait pas la tondeuse, il pouvait être au ciseau à couper le gazon. Il y avait quelque chose d'assez génial dans sa façon de penser. Il faisait tout à l'échelle de son stylo, de son pinceau. C'était assez extraordinaire. Tout était très précis. Moi, j'ai grandi dans les Yvelines. Entre Paris, Versailles, la banlieue verte, et dans une famille très engagée politiquement. Dans une maison où il y avait tout le temps du monde. Beaucoup de réunions, de débats, d'échanges. Et je pense que c'est quelque chose qui a nourri notre façon de concevoir notre intérieur : on aime recevoir, on aime qu'il y ait de la place pour chacun.
TSF
Vous êtes la génération des déménageurs post-Covid.
Floriane
Absolument ! On s'est aperçu qu'on pouvait travailler d'où on le souhaitait. On avait cette envie de s'évader et se rapprocher de la plage. A Lille, on a trouvé le bon compromis entre la ville vraiment urbaine, un petit pays, et la mer à une heure. En train, qui plus est, nous sommes à 30 minutes de Bruxelles, une heure de Paris. Je peux partir le matin, rentrer le soir récupérer les enfants à la sortie de l'école. Le rapport d'échelle, cette notion d'espace-temps si différent de Paris ne cesse de nous surprendre. Il y a quelque chose d'assez libérateur.
Baptiste
En arrivant ici, le premier aller-retour qu'on a fait, c'était pour voir les vitrines de Noël à Londres. On a aussi pas mal d'amis à Amsterdam, c'est juste à côté, c'est hyper facile. Tu découvres le nord de l'Europe, en vivant ici !
TSF
Comment avez-vous découvert cet endroit ?
Floriane
On l'avait opéré et puis quand on est arrivé ici, je pense que c'est complètement projeté tous les deux. Le fait d'avoir toutes ces fenêtres-là comme ça sur toute la longueur de la façade, c'était parfait. C'était tout ce qui nous manquait. Ce sont d'anciens ateliers de fabrication et de réparation de projecteurs de cinéma. C'était déjà reconverti en habitation quand on est arrivés, mais pas de cette manière-là.
TSF
Justement, les travaux, en avez-vous beaucoup réalisé ?
Floriane
En plusieurs périodes, oui !
Baptiste
On a changé d'avis, c'est ça qui est génial. On s'est autorisé à faire des essais, puis tout changer. On a cassé des cloisons, changé la distribution des pièces. La cuisine que vous voyez, on en avait d'abord fait une salle de jeux pour les enfants, en arrivant.
Floriane
Et puis finalement, la salle de jeux, on l'a abandonnée.
Baptiste
Les enfants, en bons gamins nés à Paris, étaient collés à nous. Tu as beau leur offrir vachement de mètres carrés... (Rires). Six mois plus tard, on a fait revenir les artisans et transformé tout ça en cuisine.
TSF
Quel était le plus gros défi de ces travaux ?
Floriane
S'arrêter !
Baptiste
Ici, nous sommes nos propres clients, donc il n'y a rien de pire, le temps peut s'étirer à l'infini !
TSF
Chinez-vous beaucoup ?
Floriane
Baptiste, oui ! Sur leboncoin ou en vente…
Baptiste
Je suis fanatique de vente aux enchères et pas nécessairement pour systématiquement acheter beaucoup de choses. J'aime explorer, découvrir. Je me détends en regardant les catalogues de ventes. Je me balade, ce sont mes visites virtuelles. ça te forge une culture aussi. Donc oui, beaucoup, mais on ne fait pas de brocante. Parfois, on achète aussi à des amis. Et puis il y a des rencontres de la vie qui font que tu te retrouves avec des pièces que tu n'avais pas préméditées et qui trouvent toutes leur place à la maison.
TSF
Quelle est votre pièce préférée chez vous ?
Baptiste
Cette cuisine représente vraiment notre monde, nos influences, notre attachement au savoir-faire et parfois aux rencontres non préméditées, improbables entre différentes époques. On est très éclectiques : Antiquité, modernisme, culture pop, Street art...
TSF
Une influence, en ce moment ?
Baptiste
Larry Bell, c'est un artiste qui compte énormément pour nous, qui se retrouve dans quasiment tous nos mood boards. C'est quelqu'un qui pense la couleur et l'espace, la matière, de façon immersive avec une puissance narrative que l'on adore.
TSF
Ou voyez-vous dans dix ans ?
Floriane
On ne sait pas. On fait les choses de façon très organique et on prend des décisions parfois radicales sans trop y réfléchir.
Baptiste
Oui, on a plutôt tendance à se faire confiance. Mais on aime bien reprendre des pages blanches, de nouveaux projets. Celui-ci, on l'a fait énormément évoluer en cinq ans. On en est très heureux, on a encore plein de choses qui peuvent encore bouger et on change la disposition des meubles très souvent. Aujourd'hui, vous voyez la maison comme ça, mais dans deux semaines, moi je désaccroche et je change les murs. Notre maison, c'est un peu une toile avec laquelle on peut en permanence jouer. Mais peut-être que dans 10 ans, on se sera ennuyés et on aura refait complètement autre chose.
Floriane
Un autre projet, dans une autre ville. Qui sait ?
TSF
Que pensez-vous de The Socialite Family ?
Floriane & Baptiste
C'est un rendez-vous que nous suivons depuis de nombreuses années maintenant ! Très inspirant de se plonger dans les intérieurs d'autres familles.
TSF
Avez-vous quelques bonnes adresses lilloises à nous donner ?
Floriane & Baptiste
Notre préféré, le Café Bellot, cantine de quartier de haut vol ! Muda : ce torréfacteur est un orfèvre. Le marché de Wazemmes, le dimanche pour un déjeuner sur de grandes tablées entre amis au milieu des étals.
TSF
Avez-vous des pièces favorites parmi notre collection ?
Floriane
La
en hêtre aux jolis accents vintage.
Baptiste
Le ,
en grand modèle évidemment. On adore mettre en scène les intérieurs avec des miroirs.