Plein Air, ferme florale engagée

Plein Air, ferme florale engagée

Telle une fleur de bitume, l’écrin vert Plein Air a poussé impétueusement entre les barres d’immeubles du XXe arrondissement de Paris. Longtemps rêvé, puis sorti de terre en 2017 grâce aux mains expertes de Masami Charlotte Lavault, cette ferme florale est la première à voir le jour dans la mégalopole. Le projet d’une vie pour cette passionnée qui s’est formée à la méthode de floriculture innovante de la biodynamie, et ce, à travers le monde entier. Afrique, Asie : c’est en écumant les continents que l’ancienne designer reconvertie s’est efforcée de rechercher des enseignements en accord avec ses valeurs. Un apprentissage sur le monde du vivant et du végétal de plusieurs années à l’étranger qui s’illustre désormais à Paris au travers d’un champ de 1200 m2. C’est sur cette parcelle que la floricultrice – autrefois accompagnée de son ancienne associée Anna Bauer – produit des centaines d’espèces de fleurs qui, toutes, respectent la saisonnalité. Car ici, on ne cultive que ce qui pousse au fil des mois ! Un florilège de typologies de plantes qui remet au goût du jour la fine fleur de la production française. Autant de références récoltées avec soin par Masami et qui font la richesse de Plein Air. Traitement vertueux des sols avec un système de bactéries utilisées comme probiotiques, distribution en circuit court auprès des fleuristes du quartier : de la culture à la récolte, jusqu’à l’arrivée de la production sur les étalages, l’entrepreneuse anime la profession d’un souffle nouveau que beaucoup accueillent avec plaisir. À commencer par les heureux voisins qui encerclent le champ. Animée sans cesse par le désir de découvrir de nouvelles espèces de plantes et d’en transmettre in fine les secrets lors des ateliers organisés à la ferme, la fondatrice de Plein Air se distingue par son goût de la transmission. Une nouvelle actrice dans le milieu de la floriculture qui bouscule avec brio une industrie polluante qui peine à se remettre en question.

40 rue du Télégraphe, 75020 Paris. Visite guidée de la ferme florale, programme d’ateliers en Plein Air. Retrouvez toutes les informations sur leur site www.pleinair.paris

Cabane en bois avec outils de jardinage chez la ferme florale Plein air à Paris
Masami Charlotte Lavault dans sa ferme florale Plein air à Paris
Clochettes violettes dans la ferme florale Plein air à Paris

Masami : pouvez-vous vous présenter ?

Masami

Je suis Masami Charlotte Lavault, Franco-Japonaise de 33 ans. En 2017, j’ai fondé Plein Air, la première ferme à fleurs de Paris.

Quel est votre parcours ?

Masami

J’ai été designer industrielle à Londres avant de me tourner vers l’agriculture il y a de cela huit ans. Après plusieurs voyages agricoles au Maroc, en Angleterre et au Japon pour me former spécifiquement à la culture biodynamique et à l’utilisation agricole de micro-organismes, j’ai décidé de rentrer en France, à Paris. C’est dans ma ville natale que j’ai créé ma propre ferme. Une nouvelle vie qui a mis fin à une décennie d’expatriation, ayant débuté avec mon départ pour l’Autriche puis l’Angleterre à l’occasion de mes études. Dès mon retour, je me suis mise à la recherche d’un terrain urbain parisien ou francilien sur lequel faire germer mon projet de champ de fleurs. Le chemin a été long et solitaire, mais à l’automne 2017, j’ai mis en terre mes premiers plants à Plein Air, une parcelle de 1200 m2, nichée derrière le cimetière de Belleville dans le XXe arrondissement parisien.

Racontez-nous votre sensibilisation au monde du vivant.

Masami

Je suis née à Paris et j’ai toujours vécu dans des métropoles, nota mment des capitales européennes. Étymologiquement, l’urbain et le rural sont intimement liés : le mot « ville » vient du latin villa, « maison rurale ». L’imaginaire collectif voit le vivant de façon très bucolique, pourtant les villes grouillent de vie. C’est d’ailleurs souvent ce qu’on leur reproche : la cité fourmille de vies humaines, mais on en oublie toute la faune et la flore qui lui sont très spécifiques. C’est ce vivant-là que j’ai connu en grandissant et auquel je suis très attachée.

Masami, votre changement de vie vous a également amenée à poursuivre votre formation de floricultrice hors des sentiers battus. Quels enseignements avez-vous tirés de cette reconversion ?

Masami

Je me suis en effet formée sur le tas, et j’aime dire « sur le tas de compost ». Un mélange digéré de plein d’influences : les avis et les méthodes des chef.fe.s des fermes où j’ai travaillé, les livres, les articles et études que j’ai lus, les conseils de personnalités qui ont accompli des projets que j’admire. Enfin, les leçons, parfois très dures, tirées de ma propre expérience de l’agriculture ont nourri mon apprentissage. Je n’ai pas eu de formation académique agricole, mais je me suis instruite en allant pratiquer très tôt. Une approche qui me paraît cruciale, et ce, dès les prémices d’un projet : j’ai rêvé ma ferme florale en l’élaborant, pensé en la construisant, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Une reconversion qui – depuis à peu près quinze ans – m’a amenée à embrasser un style de vie assez précaire, m’encourageant à oser aller travailler dans diverses fermes. Je n’avais absolument rien à perdre, je n’ai pas quitté un confort pour une sobriété, au contraire. Le négatif, l’inconfort ont très souvent été des moteurs pour moi.

Fleurs mauves dans la ferme florale Plein air à Paris
Champ de fleurs dans la ferme florale Plein air à Paris
Fleurs blanches dans la ferme florale Plein air à Paris
Produits et outils pour le jardinage dans la ferme florale Plein air à Paris

Je me suis en effet formée sur le tas, et j’aime dire « sur le tas de compost ». Un mélange digéré de plein d’influences.

Nénuphar dans la ferme florale Plein air de Paris
Seaux métalliques dans la ferme florale Plein air à Paris
Bouquets de fleurs dans papier craft dans la ferme florale Plein air à Paris
Masami Charlotte Lavault et Anna Bauer dans la ferme florale Plein air à Paris

Plein Air est une ferme florale urbaine qui se distingue par sa méthode agricole innovante, la biodynamie. Pourquoi avoir fait ce choix ?

Masami

J’ai travaillé dans deux fermes biodynamiques, qui m’ont tout simplement convaincue par leur fonctionnement. Elles étaient absolument magnifiques, comme celles des livres pour enfants. Avant cela, j’avais également vécu cinq ans à Vienne, en Autriche, la patrie de Rudolf Steiner, le théoricien de cette forme de culture innovante. Ses préceptes y étaient d’ailleurs plus visibles au quotidien – via les écoles Steiner, les crèches Montessori…

Quelles figures et personnalités ont influencé votre travail en floriculture ?

Masami

Comme évoqué précédemment, Rufolf Steiner et son Cours aux Agriculteurs (1924) ont nourri mon travail de floricultrice. Maria Thun, qui a beaucoup étudié et mis en pratique les théories de Steiner pendant des décennies, m’inspire également. L’art floral traditionnel japonais, l’ikeban, alimente tout autant mon travail au champ car cette forme d’agriculture invite à considérer et à célébrer chaque tige de fleur. C’est une vision de la flore qui implique un immense respect du vivant, fondamental pour mon quotidien. Enfin, j’ai de la gratitude envers Erin Benzakein de la ferme américaine Floret Flowers qui a eu l’infinie gentillesse de croire en moi et de m’offrir une bourse pour sa formation à la floriculture.

Quel type de fleurs cultivez-vous ici ?

Masami

Plusieurs centaines de fleurs différentes. Cette immense diversité est une bêtise d’un point de vue économique, car cela complexifie terriblement la ferme et sa gestion. Néanmoins, c’est une vraie joie pour moi de côtoyer tant de variétés différentes. Et puis, une vie agricole file vite : admettons que je continue à faire ce métier jusqu’à mes 70 ans, cela ne me laissera que 37 saisons, 37 essais, car chaque année est complètement unique. Je ressens donc une grande urgence à apprendre rapidement et beaucoup sur les plantes ; ce qui me pousse à en cultiver une très large palette.

Votre projet permet également de réintégrer le végétal en zone urbaine. Quelle est votre relation à la ville ?

Masami

Il y a une vraie dissonance entre le rythme du champ, qui s’étend fondamentalement sur le long terme : des espèces qui mettent neuf mois en moyenne à éclore, et certaines plantes, mises en terre il y a deux ou trois ans, qui n’ont toujours pas fleuri. La ville se caractérise quant à elle par une certaine abondance, une disponibilité rapide partout et tout le temps. C’est ce décalage temporel qui me paraît être le plus grand défi pour Plein Air et ce que je trouve le plus douloureux au quotidien.

Votre champ floral se situe dans le XXe arrondissement de Paris. Comment le projet a-t-il été accueilli par le voisinage ?

Masami

Plutôt bien, je crois ! Un jour, j’étais allée présenter ma ferme à la réunion de copropriété de la grande barre d’immeubles qui surplombe le champ. J’ai profité de l’occasion pour présenter mes excuses à ces voisins et voisines qui avaient une vue imprenable sur… une immense bâche en plastique noir de 400 m2 que j’avais déployée pour vaincre par occultation une redoutable herbe envahissante, le chiendent. Une des femmes présentes à cette réunion m’a gentiment et poétiquement répondu qu’elle entendait mieux le bruit de la pluie depuis la mise en place de cette installation.

Masami Charlotte Lavault et son sécateur dans sa ferme florale Plein air à Paris
Chapeaux en paille et paniers dans la cabane de la ferme florale Plein air à Paris
Fleurs roses et violettes en bouquet dans la ferme florale Plein air à Paris

L’ikeban, art floral japonais, alimente mon travail au champ. Cette forme d’agriculture invite à considérer et à célébrer chaque tige de fleur.

Composition florale dans la ferme florale Plein air à Paris
Plein Air, ferme florale engagée

Comment s’organise la production florale de votre champ et comment la distribuez-vous ?

Masami

La production florale de Plein Air est aujourd’hui complétée par celle d’une seconde parcelle de fleurs bio de 2000 m2 que je cultive pour la deuxième année consécutive dans une ferme maraîchère du Perche située en Basse-Normandie. Les récoltes parisiennes et percheronnes sont vendues régulièrement en click&collect sur notre site www.pleinair.paris, et lors de marchés aux fleurs que nous organisons au champ, en général le samedi après-midi. Toutes nos ouvertures et ventes, tous nos ateliers et événements sont communiqués sur notre site et via les réseaux sociaux.

 

Quelle y est votre saison favorite ?

Masami

J’apprécie beaucoup le début et la fin de chacune des saisons. À la ferme, chaque cycle nous approche ou nous éloigne de quelque chose de difficile – le gel, la grêle, la pénurie, la canicule, la sécheresse, les orages violents, la pluie continue, les limaces, l’éreintement… – et de quelque chose d’agréable – une nouvelle éclosion, une belle lumière, une abondance de fleurs, la perspective d’un peu de repos.

Si vous deviez nous confier 5 astuces pour créer / entretenir une terrasse en ville, quelles seraient-elles ?

Masami

Je vous conseillerais de choisir des végétaux adaptés à un climat qui devient de plus en plus extrême. Quand vous effectuez vos recherches sur internet, vérifiez bien la rusticité de la plante, sa capacité à endurer autant les températures caniculaires que le gel. Il faut également que ces espèces soient adaptées à l’exposition de votre habitation : mettre des plantes méditerranéennes dans des jardinières exposées plein nord, c’est les condamner. N’oubliez pas que ce sont des êtres vivants et non pas des objets inertes de décoration. Si l’on sait que l’on sera absent, il faut bien sûr penser à l’accès à l’eau afin que vos végétaux ne soient pas en manque. Je vous suggère également d’essayer de vous procurer des plants produits de façon responsable ; par les associations La Sauge (Société d’agriculture urbaine généreuse et engagée) à Paris et Nantes, ou encore Pépins Production à Paris et Marseille par exemple. Si votre corps vous le permet, essayez de les cultiver et de les entretenir vous-même, tous les jours. C’est une joie immense et une fatigue positive !

Où vous retrouverons-nous dans les prochains mois ?

Masami

Au champ !

Fourmis dans la ferme florale Plein air à Paris
Masami et Anna dans la ferme florale Plein Air à Paris
Fleurs bleues dans la ferme florale Plein Air à Paris
Parcelle de fleurs dans la ferme florale Plein Air à Paris Champ et arbre dans la ferme florale Plein Air à Paris
Papillon dans la ferme florale Plein air à Paris
Masami dans son champ de fleurs jaunes Plein Air à Paris
Masami et Anna avec une fourmi dans la ferme florale Plei Air à Paris

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