L’histoire parcourt les veines verrées du Cravan, laissé dans son jus depuis que la bonne fée Hector Guimard y a exceptionnellement...
On ne présente plus Kader Attia, artiste plasticien et lauréat du prix Marcel Duchamp 2016. Depuis longtemps son travail explore et interroge le monde contemporain et ses cultures avec toujours cette notion de réparation, comme un cycle infini. Dans la continuité de son travail, il avait le rêve d’un espace où tout un chacun pourrait se rencontrer. Où le débat pourrait s’élever et s’enrichir des différences. Depuis quelques mois cette utopique forum s’est installé dans la réalité. La Colonie, fruit du travail passionné de Kader Attia, Zico Selloum et leur famille est un lieu d’expérimentation aux multiples facettes. Pour accueillir ses esprits enthousiastes, cet agora moderne s’installe dans un ancien dancing, entièrement rénové. Avec celui-ci, l’équipe de La Colonie redécouvre l’immense verrière style Eiffel, investissent les étages et installent bar, bibliothèque, galeries mais aussi fumoir arboré. Ici, tout le mobilier est chiné. Une atmosphère très 50s qui voit se succéder performances, projections, concerts et fêtes incroyables. Le tout proposé par l’équipe de La Colonie, qui veut que se ressente en premier lieu la place laissée à la pensée. Partagée entre tous dans une ambiance parfois intense, la réflexion est libre, indépendante, multiple et surtout hybride. Un lieu de “Savoir-vivre” et de “Faire-savoir” que nous découvrons avec Lucie Touya, programmatrice passionnée et audacieuse.
La Colonie, 128 rue Lafayette – 75010 Paris.
Lucie, pouvez-vous nous présenter ce lieu ?
C’est un espace au cœur de Paris, à côté de la Gare du Nord, créé par Kader Attia, un artiste contemporain d’origine algérienne qui a grandi à Garches-lès-Gonesse. Nous avons fêté l’ouverture le 17 octobre 2016, qui est une date symbolique car en 1961, en pleine guerre d’Algérie, les Algériens manifestaient à Paris et la répression s’était transformée en bain de sang. Pour l’anecdote, le père de Kader était aussi dans la manifestation. C’est une des dates-clés dans la relation entre la France et l’Algérie dans l’accès à l’indépendance. Kader a d’ailleurs reçu le prix Marcel Duchamps au moment même où l’on inaugurait la Colonie. C’est un projet qu’il avait depuis très longtemps, ouvrir un espace dans Paris, consacré à la pensée, aux sociétés contemporaines, à la France et son histoire, coloniale mais pas que. Laisser la parole à des gens d’origines diverses, venus de pays extra occidentaux. Un endroit où l’on puisse débattre avec des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des écrivains, des poètes, des militants, des soignants… Un espace de dialogue qui cherche à améliorer le vivre ensemble.
Comment avez-vous pensé l’endroit ?
C’est vraiment Kader qui avait en tête ce genre d’atmosphère. Zico – son associé – et lui ont chiné puis assemblé le tout en gardant en tête de préserver l’espace. L’esprit, c’est quand même l’inspiration berlinoise. Kader vit à Berlin et il adore l’esprit de ces cafés. Pour conserver un espace épuré, nous ne ferons pas d’expositions au rez-de-chaussée mais nous sommes en train d’aménager une vraie galerie au deuxième étage où nous ferons, à priori, 4 à 5 expos par an.
Comment fonctionne La Colonie ?
Nous recevons énormément de monde ici. En effet, c’est cet endroit où l’on organise des conférences, des performances, des concerts mais c’est aussi un lieu de fête. C’était très important pour nous dès le départ. Il n’y a pas de distinction à faire : c’est simplement un endroit où l’on se rencontre, que cela soit en débattant ou en dansant. Nous ne voulions pas quelque chose de trop élitiste, où les intervenants sont derrière un pupitre et où l’on “reçoit” la parole. Ici, il y a un côté un peu forum, agora. La parole est multiple et libérée, ouverte au débat, au questionnement. Nous sommes très contents lorsqu’il y a de la polémique, que les gens se disputent. Avec toujours une règle de bienveillance bien sûr !
Pourquoi ce nom ?
La Colonie, mais barré, parce que l’histoire de la France est tout de même très marquée par son impérialisme et que notre culture est issue des résultats de la colonisation, cette diversité culturelle qu’est la nôtre. Quand je dis “barrée”, c’est parce que ce n’est pas une dimension positive et qu’elle est à discuter. Elle peut aussi s’entendre d’autres manières. Ici on colonise Paris. J’ai envie que chacun se sente libre de venir s’installer ici le temps d’un moment.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce qui se passe ici ?
Le programme part vraiment dans tous les sens, suivant nos envies et l’actualité. En partant du constat que le mot culture est absent des débats des candidats à la présidentielle notamment. Nous suivons de grands thèmes, dernièrement le Sahara Occidental par exemple. Nous voulons aussi faire quelque chose sur l’architecture de terre. J’aimerais organiser un club de lecture ou des ateliers avec des enfants et des vieilles personnes. Les week-ends sont plutôt consacrés à la musique et à la fête, avec la possibilité de découvrir une sélection pointue de DJ et musiciens. Nous avons beaucoup de demandes de gens qui veulent faire des choses ici. On accueille assez facilement, tant que cela reste dans la vision et l’éthique du lieu.
Une rencontre à venir ?
Le 2 mars commence un cycle sur la sorcière avec des lectures et la musique de Ma Public Therapy. C’est Alexandra Fournier, comédienne, réalisatrice et metteur en scène qui est en charge de cet évènement. Tous les mois, il y a un rendez-vous sur la figure de la sorcière dans l’histoire, une image très ambiguë. C’est l’objet de mythes et contes. C’est aussi une figure que se sont appropriées les féministes. Je pense que cela va être passionnant.
Crédits : Eve Campestrini @thesocialitefamily
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