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Ils sont de ceux qui font de leur intérieur un manifeste de leur art. Morgane Urbain et Emmanuel Cruellas, tous deux fondateurs inspirés et inspirants du studio de création Bonhomme, ont fait de leur loft un écrin. Un point d’acmé de l’épure où se côtoient avec équilibre matières nobles, œuvres d’art et collection personnelle de pièces chinées. Des trouvailles issues de la curation orchestrée autour de leur nouveau projet, Beau, un e-shop qui propose une sélection pointue d’objets artisanaux. Une nouvelle aventure familiale – celle partagée avec la mère de la Lyonnaise qui chine une partie de leur proposition – comme une réponse à un besoin vital : celui d’un retour au « physique ». À la matière, au travail de la main de l’homme. Ce catalyseur monosyllabique au nom plus qu’évocateur – Le Beau –, le couple l’exerce en parallèle de leur profession de designer. Loin d’être une préoccupation futile à leurs yeux, cette notion, confessent-ils sans peine, incarne pour eux une véritable philosophie. « La beauté (…) joue un rôle essentiel dans notre équilibre. » Une harmonie que ces deux inséparables cultivent en scénographiant chaque recoin de leur résidence immaculée, où la maxime « less is more » prend tout son sens. Aux portes d’un Paris embouteillé, notre duo conserve ici la « sensation d’être toujours ensemble » grâce à un espace ouvert pensé comme une respiration. Et à de généreuses ouvertures qui jalonnent leur duplex, permettant au regard de se balader avec aisance d’une pièce à l’autre. Des matériaux nobles tels le bois et le cannage viennent réchauffer sporadiquement les volumes de leur repaire d’artiste pensé comme un tout harmonieux. « Leur présence est essentielle pour créer un équilibre », nous rappelle dans un sourire Morgane. La complémentarité comme ligne de conduite donc. Un mot d’ordre pour cet intérieur qui est à l’image de ces deux créatifs, pour une prouesse design et architecturale nichée dans le confidentiel Pré-Saint-Gervais.
Morgane, Emmanuel : pouvez-vous vous présenter ?
Emmanuel et moi sommes tous les deux originaires de Lyon, arrivés ensemble à Paris à la suite de nos études il y a 12 ans, à la recherche d’un épanouissement professionnel et créatif à la hauteur de nos ambitions. Tous les deux passionnés par nos métiers et parfaitement complémentaires, nous avons toujours partagé nos centres d’intérêt respectifs. Depuis, nos chemins n’ont cessé de se rapprocher puisque nous avons choisi de lier nos quotidiens professionnels à travers plusieurs aventures entrepreneuriales qui nous épanouissent pleinement.
En associant nos personnalités, nous formons une équipe solide et enthousiaste. Tout est plus simple à deux et en famille !
Quel est votre parcours ?
Nous sommes issus d’une formation d’arts appliqués et, après plusieurs années d’activité dans le domaine de la mode pour Morgane, et du design digital pour moi, nous choisissons de créer notre propre studio de création en 2013, Bonhomme, avec l’ambition de produire des projets sur mesure et créatifs à l’image de chaque marque. Après avoir développé de fortes compétences en design digital, nous avons peu à peu étendu notre expertise à la production d’images, d’identités de marques, et dernièrement de design d’intérieur, dans l’objectif de pouvoir accompagner une marque sur tous ses supports identitaires.
Notre dernier projet Beau, un e-shop d’objets artisanaux et vintage de qualité chinés en France, sollicite l’ensemble de nos compétences professionnelles et nous offre également la possibilité d’unir nos deux passions respectives : la chine et la photographie.
Votre nouveau projet s’appelle « Beau ». Quelle est votre relation avec cette notion ?
Nous avons choisi de nommer ce projet « Beau » car Morgane et moi-même sommes convaincus du pouvoir qu’exerce l’esthétisme sur notre quotidien. Loin d’être une préoccupation futile, à nos yeux, la notion de beauté, bien que propre à chacun, joue un rôle essentiel dans notre équilibre. Le métier de designer consiste d’ailleurs selon nous à façonner le monde qui nous entoure pour qu’il tende à une forme d’harmonie. Dans nos intérieurs, les objets forment un ensemble, un tout, qui participe à l’atmosphère, à l’ambiance d’une pièce. La décoration influe sur notre humeur et notre bien-être. De plus, le contexte sanitaire de cette année, rythmée par les confinements successifs, a exacerbé notre besoin de douceur et d’harmonie au sein de nos foyers.
Dès lors qu’un nouvel objet s’invite dans notre décoration, j’aime prendre le temps de l’intégrer. Je prends plaisir à scénographier les espaces en associant plusieurs éléments issus de divers univers dans l’objectif d’atteindre une harmonie parfaite.
Et, de façon plus légère, nous trouvions amusant d’entendre une phrase comme : « Tu as vu mon nouveau vase ? C’est Beau. » (Rires)
Votre travail de curation d’objets chinés s’organise en parallèle de votre activité en branding digital. Était-ce un besoin de retourner vers le travail de la main de l’homme ?
Il est vrai que n’étant pas issue du domaine du digital, je ressentais particulièrement le besoin de revenir au « physique » depuis quelque temps. D’ailleurs, la chine est une passion familiale. J’ai grandi dans la tradition d’aménager nos intérieurs avec des objets accessibles mais singuliers. Ma mère, qui nous accompagne sur ce projet puisqu’elle chine – en partie – nos sélections, m’a transmis cette passion et a nourri mon goût. Beau, c’était aussi l’occasion de vivre une nouvelle aventure familiale !
Dans nos intérieurs, les objets forment un ensemble, un tout, qui participe à l’atmosphère, à l’ambiance d’une pièce. La décoration influe sur notre humeur et notre bien-être.
L’offre de Beau est à l’image de votre intérieur. Nous y retrouvons d’ailleurs beaucoup de vos trouvailles, en bois et en céramique. Pouvez-vous nous expliquer cette sensibilité pour ces deux matériaux ?
Le travail de la terre et du bois incarne des artisanats à la fois ancestraux et très contemporains qui me touchent particulièrement. J’aime le côté primitif qu’ils évoquent. Ce sont également des matériaux qui ont une grande présence et qui apportent beaucoup de chaleur. Dans un intérieur épuré et contemporain comme le nôtre, leur présence est essentielle pour créer un équilibre.
Avec Beau, nous souhaitons également faire redécouvrir le savoir-faire emblématique des maisons artisanales ; que ce soit les verreries de Biot, en passant par les céramiques de Vallauris ou les productions du mouvement brutaliste.
Le brutalisme est un mouvement auquel vous êtes particulièrement sensibles, pourquoi ?
Ce mouvement associe parfaitement deux notions qui me sont chères : l’épuration et la beauté de la matière.
Ce serait le fameux « Less is more » appliqué à l’artisanat.
Designers, artistes : quels sont ceux dont l’œuvre a également eu une influence particulière sur vous, votre travail ?
Beaucoup des réalisations de Charlotte Perriand retiennent mon attention. Lors de l’exposition en son honneur à la Fondation Louis Vuitton, j’ai été particulièrement absorbé par l’impact du Japon sur son travail. Dans un tout autre registre, ce sont les œuvres de Pierre Soulages dont je ne me lasse pas. L’interaction de la lumière avec ces traces de peinture sombre est surprenante.
J’ai une grande admiration pour les architectes brutalistes, et en particulier Oscar Niemeyer. Visiter l’intérieur du siège du Parti communiste est une expérience à part. Dernièrement, nos vacances sur l’île de Lanzarote nous ont également offert une belle surprise : le travail singulier et magnifique de César Manrique. Cette découverte était une vraie révélation puisque son travail nous était jusqu’alors inconnu. Après la première visite, le séjour s’est entièrement dédié à sa découverte.
Racontez-nous l’histoire de votre rencontre avec votre habitation.
Nous avons attrapé le virus de la rénovation lors de notre premier achat immobilier. Après cela, nous n’avions qu’une hâte : trouver un lieu qui nous permettrait de donner vie à notre vision à plus grande échelle. Créer un projet de design d’intérieur manifeste qui incarne nos valeurs et nos passions.
La recherche n’était pas simple puisque le critère principal était plutôt abstrait : le potentiel à créer. Alors que nous venions de faire une offre sur un bel appartement des années 1970 avec une vue imprenable sur Paris, la visite du loft fut un déclic. L’espace ouvert et la hauteur sous plafond nous ont immédiatement séduits. J’ai tout de suite projeté les aménagements principaux que vous voyez aujourd’hui.
Comment l’avez-vous pensée ?
L’ensemble des plans et dessins a été réalisé par nos soins. Nous avons mené les travaux accompagnés d’un entrepreneur très compétent avec lequel nous avons l’habitude de travailler.
Ce moment-là est toujours un bon souvenir pour nous. Nous aimons tout particulièrement le moment où, la démolition achevée, l’espace à nu dévoile tout son potentiel. À cet instant, tout est possible !
Et meublée ?
Convaincus de la nécessité d’opter pour un nouveau mode de consommation, nous avons choisi de privilégier au maximum une décoration durable et responsable, issue de l’artisanat et de la seconde main. Les éléments fonctionnels et structurels comme l’escalier ou la verrière ont été réalisés sur mesure par un artisan local. Les meubles et les objets de décoration sont principalement chinés ou construits par nos soins, comme la table à manger qui est un assemblage entre des pieds en plâtre chinés et un plateau en chêne réalisé sur mesure.
L’aménagement de notre lieu de vie s’est révélé comme un élément déclencheur dans la naissance de Beau.
Que dit-elle de vous ?
Le fait d’avoir privilégié un espace ouvert au maximum témoigne bien de notre façon de vivre. Nous aimons la sensation d’espace et le sentiment de toujours être ensemble, même lorsque nous sommes occupés à des activités différentes.
Lorsque nous recevons nos amis, j’aime les voir prendre possession de l’espace. Des petits groupes se forment à plusieurs endroits de la pièce, je trouve cela extrêmement vivant et convivial.
Chineurs invétérés, pouvez-vous nous donner 3 (vrais) conseils pour bien chiner ?
L’une des premières choses – à mon sens – est qu’il ne faut pas se limiter aux pièces reconnues ou signées. Il ne faut pas hésiter à faire confiance à son propre goût, et toujours privilégier la qualité de la façon. J’ajoute l’un des précieux conseils de ma mère : « Ne pas se donner un objectif précis, laisser vagabonder son regard sur les objets exposés afin de se laisser guider par l’émotion. »
Pour vous, The Socialite Family, c’est ?
Un excellent magazine d’inspiration et une maison d’édition très actuelle, aussi bien dans ses collections que dans ses valeurs.
Où vous retrouverons-nous dans les prochains mois ?
Nous travaillons sur l’aménagement d’un salon de coiffure qui ouvrira au cœur du Marais d’ici cet été !
Photographies : Valerio Geraci – Texte : Caroline Balvay @thesocialitefamily
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