Influences croisées chez la créatrice Capucine Martin et le réalisateur Cédric Jimenez

Je m’appelle Capucine Martin. J’ai 36 ans, je vis à Paris, entre un café jamais fini, un caniche nommé Gus et un magnifique petit Orso qui remet tout à sa juste place. J’aime le noir pour sa simplicité, le doré pour sa lumière, et la famille pour sa force tranquille. Je ris fort, je suis bordélique, mais j’avance avec cœur — tout en essayant d'être élégante, même dans le désordre.

Après avoir péniblement passé mon bac, je suis partie à 18 ans pour m'affranchir en Angleterre, à Londres. D’abord parce que j’avais envie de parler anglais, d'avoir cette corde à mon arc, et aussi parce que les études, ce n'était pas trop mon truc. Il fallait que je trouve ma voie. J'ai donc décidé de faire de mon âge un avantage et de me jeter dans le grand bain du travail (rires). J'étais vendeuse dans une boutique de prêt-à-porter pour jeunes femmes et adolescentes le matin, et l'après-midi je prenais des cours d'anglais. Petit à petit, j'ai gravi les échelons : manager du magasin, puis de plusieurs magasins, jusqu'à développer la marque à l’échelle nationale en Angleterre. Je gérais aussi le personnel. J'ai appris sur le tas la gestion des stocks, le merchandising... Ç'a été un apprentissage pour le retail à 360°. Je travaillais non-stop, mais cela m'allait tout à fait : j'étais jeune et volontaire ! Et Londres, c'est une ville qui te donne envie de brûler la vie, tu veux tout parce que tout est possible. Un peu plus tard, en 2014, je me suis sentie un peu essoufflée et en besoin d'autres expériences. On a monté un concept de rôtisserie avec quatre copains. En bons Français, nous rêvions de manger du poulet rôti, mais ce qu'on trouvait sur place tenait plus de la junk food. On a monté ce projet sur un coin de table. L'un d'entre nous était restaurateur. Je me suis occupée de toute la partie direction artistique (DA). Le premier Cocotte – Healthy Rotisserie a vu le jour en 2014, à Notting Hill. Et aujourd'hui, on en a une dizaine à Londres. Puis, au bout de huit ans à Londres, j'ai décidé de rentrer en France, pour monter mon projet personnel et pour me rapprocher à nouveau de ma famille. Il était temps de rentrer. J'avais pris confiance en moi !

Oui. Je m'étais émancipée, j'avais gagné en expérience en travaillant pour cette marque, puis en montant l’entreprise Cocotte. J’étais prête pour créer Martin Martin.

Justement, la mode était une évidence pour moi qui avais passé pas mal de temps dans les ateliers de ma grand-mère maternelle, dans le 17ᵉ à Paris, rue de Tocqueville. On pourrait dire qu'elle était à l'avant-garde concernant l'upcycling parce qu'elle customisait des tailleurs de femmes. Elle venait y ajouter un twist un peu folklorique, des plumes, des perles. Elle sophistiquait des pièces assez classiques. Je suis Parisienne, Parisienne, Parisienne jusqu'au bout des ongles. Mes grands-parents étaient Parisiens, de même que mes arrière-grands-parents. D'ailleurs, mes parents se sont rencontrés parce qu'ils fréquentaient des écoles voisines. J'ai grandi dans le 17ᵉ et le 8ᵉ arrondissement avec quatre frères et sœurs. On est tous très proches. La famille est, à mes yeux, un socle solide ; elle occupe une place importante dans ma vie. D'ailleurs, une de mes sœurs, ma mère et mon père, qui est toujours avocat, travaillent avec moi. J'ai été sensibilisée très tôt à l'élégance féminine, en tout cas, et au souci du détail sophistiqué.

Martin, c'est mon nom et, pour moi, ça sonne comme la solidité d'une famille. Il est effectivement très lié à mon histoire. Je l'ai doublé : il y a le Martin du jour qui est assez sobre et sage, celui qui travaille, et le Martin du soir qui est beaucoup plus chic et extraverti. J'avais envie d'insister sur cette dualité, la femme chic et sage le jour et un peu fofolle le soir. Très Parisienne, finalement. C'est vraiment un dressing de pièces fortes, épurées, qui, je trouve, est assez intemporel. Ces vêtements pourraient – pourront – se transmettre. En tout cas, j'aurais pu les récupérer de ma mère ou de ma grand-mère. Ils sont élégants, pas dans la tendance.

Il y avait beaucoup de livres chez nous, notamment de la Pléiade, rangés dans une grande bibliothèque. Ma mère aimait sans doute l'idée d'un beau décor, mais avec cinq enfants qui vivent, qui courent partout, c'était assez difficile ! Un souvenir très ancré est celui des grandes tablées de famille pour lesquelles tout le monde mettait la main à la pâte. C'est encore le cas, d'ailleurs. On se retrouve toujours dans notre maison du Cap Ferret, que mes parents ont acquise il y a une bonne quarantaine d'années. J'y ai passé toutes mes vacances.

Je suis rentrée de Londres en 2017. J'ai commencé à m'y préparer en 2018. J'ai travaillé pour cela avec Nadia Legendre, une ancienne directrice d'école de mode, qui m'a sensibilisée à tous les aspects du métier que je ne connaissais pas. Comment on passe d'une envie à une concrétisation ? Comment on fait un vêtement ? Comment on crée un patronage ? Comment on choisit ses tissus ? J'ai fait mes classes auprès d'elle, moi qui n'avais pas fait d'études. Elle m'a montré, m'a mis le pied à l'étrier et après, je me suis lancée. Comme j'ai appris en marchant, il y a eu pas mal d'erreurs qui ont été faites. Heureusement, dans le processus, j'ai fait une multitude de rencontres qui ont été un peu mes anges gardiens pendant tout le moment du lancement, notamment Constance Clement qui était ma voisine de palier. Avec son mari Sylvain, elle s'est occupée de toute la DA et des shootings de Martin Martin ; elle a vraiment été ma conseillère. Elle a dirigé la maison Rabih Kayrouz pendant dix ans. Donc pour moi, c'était super. Au début, Martin Martin, ce n'étaient que des vestes. Le renouvellement, l'agrandissement datent de 2022 environ. C'était génial, mais très niche : j'avais envie de toucher un plus grand nombre de femmes.

Oui, ç'a été assez raide, je ne le cache pas. Je ne suis pas revenue au bureau tout de suite, mais j'ai bossé très vite. Parfois, j'ai eu l'impression de rater des moments avec Orso. Mais je me dis que j'en aurai d'autres, et que je le fais pour lui aussi, que cette indépendance qui permet à sa mère d'être heureuse est importante, elle aussi. Je l'ai fait mécaniquement de toute façon, parce qu'il fallait que je le fasse, que je mène ce projet jusqu'au bout, et aussi parce que je ne pouvais pas lâcher les gens qui travaillaient pour moi. C'est ça, la vie de cheffe d’entreprise : si tu n'es pas là, tout s'arrête. Il y a eu quelques mois un peu difficiles, mais je suis plutôt d'un tempérament calme. Donc je parviens à compartimenter. Et en plus, on s'est mariés il y a deux semaines ! (Rires.)

Exactement, cette année était rock'n'roll, mais c'était bien ainsi. Finalement, cela nous convient. D'ailleurs, je repense à ce qu'on disait à propos de l'ambiance à la maison : c'est hyper-important pour nous que ce soit toujours le soleil chez nous, que ce soit toujours gai, qu'on vive bien, qu'on ne crie pas. J'ai grandi comme ça, dans un havre de paix.

Chez Georges, (1 rue du Mail, Paris 2^e) parce que c'est convivial, parce que c'est sans chichi et qu'on aime l'ambiance comme la table. Avant de dîner, on apprécie de boire un verre juste en face, au Moulin de la Vierge, sur cette place tellement charmante. On passe beaucoup de temps dans les jardins du Palais-Royal parce qu'on y promène notre bébé et notre chien Gus. Et puis j'aime aller boire un verre au Nemours, juste en face de la Comédie française ! Sinon, je recommande cette boutique de thés extraordinaire, le Conservatoire des Hémisphères, juste à côté de mes bureaux et de notre boutique (96, rue du Bac à Paris 7^e) et enfin, la boutique Rubirosa’s de chemises et de pyjamas unisexes (37, rue de Grenelle Paris 7^e).

J’aime The Socialite Family pour ses portraits de de familles mais la mise en lumière des femmes : entre maternité, engagement et petites imperfections du quotidien. À la fois média et marque, il célèbre un équilibre délicat où style et authenticité se rencontrent, et où chaque détail raconte une histoire.

J'adore la

, pour son élégance rétro, je trouve qu' elle se rapproche de l’esprit raffiné de l’Art déco.

Le manteau Denise est ma pièce préférée : on s’y sent forte, féminine et élégante en le portant. C’est une véritable pièce de transmission : il pourrait appartenir à ma grand-mère, et je pourrais le transmettre à ma fille (si j’en avais une…).