WawwLaTable & The Socialite Family

Je voulais absolument rencontrer le duo de Waww La Table ! Je suis tombée sur une vidéo réalisée avec Pierre Passebon et sa table, bien sûr. Rien que le nom m’enthousiasmait : c’est exactement l’exclamation à laquelle on a droit quand on réussit sa table. Le premier convive arrive : « Waou ! La table… » J’ai pensé que, moi aussi, je voulais faire une mise en scène avec Waww La Table. C’est un tableau vivant, une belle table.

Quand on s’est rencontrées, Constance, tu m’as tout de suite demandé une interview. Je me souviens t’avoir répondu : il faudra qu’on fasse bien plus ensemble. C’était très naturel.

Puis, on a déjeuné toutes les quatre. Et la machine s’est lancée.

Chez The Socialite Family, j’aime cet univers qui bouge, dans lequel rien n’est figé, tout est modulable. J’aime aussi le clin d’œil vintage sans oublier le média et ses familles, évidemment. Cette notion de mélange de références, de passé et de présent, pourtant ancrée dans notre époque, correspond bien au mix and match de nos tables. Des éléments nouveaux, d’autres anciens. C’est cet esprit que nous partageons.

J’apprécie que vous vous serviez du contenu extérieur pour fabriquer le vôtre en propre : c’est très enrichissant et inspirant, cette manière d’investir les lieux de vie des familles. C’est à la fois une curiosité satisfaite, celle de voir ce qui se passe chez les gens, et une inspiration utile, quotidienne, pour créer autre chose.

Il y a des similitudes entre votre manière de photographier les familles dans leur univers et la nôtre, qui est de filmer les gens à table. The Socialite Family comme Waww La Table montrent, par le trou de la serrure, comment les gens vivent au quotidien.

J’aime l’impertinence de Waww La Table. Votre façon de présenter la table n’est pas classique. J’aime aussi votre ouverture et votre générosité avec les jeux-concours que vous organisez et qui donnent envie aux gens d’être intégrés à votre univers. Ils y sont fiers de leur table, de la montrer, c’est très inclusif ! Cette idée de casser les codes de l’art de la table, avec davantage de naturel et de joie que le veut la tradition, ça me plaît.

D’ailleurs, je déteste cette appellation « art de la table ». On essaie de la bannir au maximum. On essaie de la dépoussiérer, de ne pas être dans le jugement, mais dans la générosité, le jeu ! Je parle souvent d’objets de table.

L’idée est bien de décomplexer la façon de dresser la table. Chez nous, la convivialité prévaut sur des codes souvent trop figés. Le plus important est bien de faire plaisir à ses invités comme à soi-même. Que chaque table soit le reflet de la personne qui la dresse !

Pour ma part, j’avais vraiment envie de beaux verres colorés à dépareiller, d’un verre-bijou d’ailleurs, plus que d’un verre fonctionnel de table. J’ai en tête qu’on peut acquérir un seul verre, le sien, dont on use égoïstement avec délice ou bien qu’on pose là, comme ça, comme un bel objet.

On en revient à cette notion d’objet de table ! C’est ce que j’ai aimé dans cette collaboration : on a créé ensemble un objet presque comme une sculpture, mais à la fois fonctionnel et débarrassé des règles de bienséance.

D’ailleurs, on peut y boire le café ou le thé, y faire un soufflé même, si ça nous chante, dans ces verres qui sont cuits à très haute température et peuvent donc soutenir la chaleur. Ce sont des verres à tout, pas seulement à vin, à eau ou à champagne !

Sensuelle – on a envie de les toucher, de les manipuler, ces verres –, gourmande et à l’esprit vintage.

Disruptive, originale, créative.

Sculptée, impertinente et bijou. J’ajouterais, avec quelque chose de Renaissance…

Le travail de la sculpture du pied a été une vraie réflexion. Je voulais quelque chose qui soit à mi-chemin entre le précieux et la sculpture brute et organique, un peu tapée, comme un petit rocher décroché de la falaise. On a d’abord sculpté dans la matière ici, à The Socialite Family, dans du plâtre, pour arriver à cette forme vraiment travaillée au doigt, comme une petite pierre cabossée. Ç’a donné le ton et nous avons décliné cette forme en pied de verre, en décor de verre, en bouchon de carafe…

Nos ateliers sont situés à Tyr, dans le sud du Liban. Ce sont des ateliers caritatifs dépendant d’une ONG affiliée à l’Unesco. Dans ce village artisanal, nous avons tenté de rassembler différents savoir-faire disparus de la région, que nous avons donc réintroduits. Le verre soufflé a été inventé par les Phéniciens à l’ère antique, dans cette région du monde ! Ce sont eux qui ont navigué jusqu’à Venise où ils ont enseigné leur art aux Romains… Ma mère est née à Tyr. C’est elle qui a fondé cette association il y a quarante ans et construit ce village artisanal il y a quelques années. La volonté était triple : recréer ces savoir-faire ancestraux, mais aussi pousser un dynamisme économique dans la région et enfin, donner du travail et une indépendance financière aux personnes en difficulté et notamment aux femmes. Dans ce village d’artisans, on forme beaucoup, donc, essentiellement des femmes, d’ailleurs. Leur vie a véritablement changé.

Précisons que notre activité (le village d’artisans est exclusivement dédié à la production des pièces Waww La Table, ndlr) fait vivre une centaine de familles. Les artisans y travaillent la céramique, la sérigraphie, le verre soufflé et la peinture sur verre et sur céramique. Chacun de ces savoir-faire est mis à disposition pour le créateur de notre nouvelle collaboration. Toutes ces formes d’artisanat sont en évolution constante, en développement continuel : chaque nouvelle collaboration est l’occasion d’une amélioration pour nous !

On a pensé un instant faire des moules pour cette collaboration, pour faciliter le travail : les formes organiques sont très complexes à fabriquer, elles ne sont pas lisses, ni droites ou juste courbes. Les accidents auxquels Constance tenait beaucoup nous ont posé un défi de réalisation ! On a donc pris la décision de tout faire à la main. Pour cela, il faut faire fondre le pied (environ quarante-cinq minutes), puis le façonner, puis souffler la partie supérieure, puis souder l’ensemble. Vous imaginez la casse !

On compte plus d’une heure de travail par pièce. On souffle séparément ses deux parties que l’on soude. Sachant que certaines couleurs sont plus difficiles à travailler que d’autres : les couleurs foncées comparées aux couleurs claires par exemple, ou bien l’opaline qui est bien plus dense en elle-même, dans sa matière, donc plus difficile à souffler. Ensuite, une heure de cuisson, puis la manipulation post-four, le nettoyage, la précision, la vérification… Sans compter que nous avons aussi été confrontées à quelques défis techniques : la fusion entre la petite pièce organique de verre plein et le col du verre, plus fin, sur les verres à eau, a été difficile à opérer. Le contact du verre très dense du « petit rocher », comme on l’appelle entre nous, et le verre fin, ne prenait pas. Les matières sont vivantes, elles décident pour nous ! Le développement de cette collaboration a donc été très riche en apprentissage.

Chaque pièce est unique. Pas un pied de verre ne sera identique à un autre.

Sans même parler du travail sur l’équilibre que nous avons dû réaliser : les premiers dessins ont été faits à main levée et, tout de suite, on s’est demandé comment, tout simplement, faire tenir ces verres sur leur pieds ! Nous avons fait beaucoup de recherches pour assurer la stabilité des verres tout en conservant le côté très organique et irrégulier de leurs formes. On est d’autant plus fières de ces véritables petites œuvres d’art. Et on en apprécie la qualité du fait main, de l’artisanat.

J’ai pioché dans les propositions de couleurs de Waww la Table que j’ai trouvées très belles, très douces et vivantes à la fois. Je suis particulièrement heureuse des effets d’opaline ! En rose et vert, ils ne sont pas sans rappeler les opalines qui décoraient les intérieurs parisiens du XIXe siècle… mais aux formes très contemporaines, épurées et naturelles. Toute cette verrerie poétique et précieuse n’attend plus que vos tables…