Familles
Dans un village perché du Luberon, la maison de famille combinée à l’atelier de la créatrice Tiphaine Guiran
Chez
Tiphaine Guiran et Pierrick Sance, Louisa 4 ans et Pablo, 2 ans
Si vous êtes normalement constitué, vous avez dû, au moins une fois, rêver de la vie qu’ils mènent. Dans ce petit village perché de Provence, niché au beau milieu du grand parc naturel du Luberon, Tiphaine Guiran, Pierrick Sance et leurs deux enfants évoluent dans un quotidien de carte postale. La maison de village en pierre dans laquelle la famille a élu domicile coche toutes les cases du rêve : un grand jardin doté d’un potager débordant de légumes verts et de fruits mûrissant doucement, des tommettes rouges au sol, une demeure à étages, à l’escalier biscornu en colimaçon et aux fenêtres toujours ouvertes. Ici, Tiphaine étend ses grandes dentelles chinées aux quatre coins de l’Europe pour habiller les murs nus blanchis à la chaux, tandis que Pierrick accumule les livres de design et les outils de jardinage. Les enfants, quant à eux, bondissent avec l’entrain d’une cosse de petit pois à un jeu de fortune imaginé dans la maison aux volets bleus, de l’école, à deux pas, au chemin du retour comprenant un salut au chat indolent du voisin, s’émerveillant continuellement de ces petits riens qui font leur quotidien. The Socialite Family s’est invité le temps d’une journée estivale.
Lieu
Luberon
texte
Elsa Cau
Photographies et Vidéos
Valerio Geraci, Gautier Billotte
La famille nous reçoit à Goult, dans une maison de village s'ouvrant sur un jardin, tout en longueur.
Dans le salon, à l'étage, notre
se fond parfaitement dans le décor.
Héritage de ses années dans la photographie, ces deux grands tirages représentent Tiphaine Guiran et son frère, chacun travesti en sexe opposé.
TSF
Tiphaine, Pierrick, qui êtes-vous ?
Tiphaine
Nous sommes les parents de Pablo et Louisa. J'ai créé ma marque éponyme, ici, dans le Sud. En parallèle, je fais encore un peu de mannequinat.
Pierrick
J'ai un studio de création qui est basé à Paris.
TSF
Vous êtes installés en Provence depuis quelques années.
Tiphaine
On est tous les deux originaires du Sud, Pierrick du côté Toulouse et moi d'ici, dans le Luberon. On a fait partie de la vague post-confinement ! Le moment auquel nous avons décidé de revenir dans le Sud a coïncidé avec celui où je suis tombée enceinte. On savait depuis longtemps que c’était notre souhait une fois que nous serions devenus parents. Mais ce qui est amusant, c'est qu'on a appris que j'étais enceinte une semaine après avoir pris cette décision. Un peu plus tard, on a eu un coup de cœur pour le village où nous sommes installés, Goult. Cela fait trois ans que nous habitons ici, dans cette maison de village. Et la vie de village, c'est vraiment ce qui nous plaît. Les enfants font partie de ce quotidien local, tout le monde les connaît, tout le monde les surveille ! Pour ma part, j'avais envie d'être dans un endroit qui me permettait de tout faire à pied. Comme Pierrick a quand même souvent besoin de se rendre à Paris, je suis fréquemment seule avec les enfants. C'est important pour moi, cet équilibre que je trouve à vivre dans la nature, à la campagne, sans pour autant être isolée, et faire partie d'un quotidien de village.
TSF
Quel est votre parcours, à chacun ?
Tiphaine
Moi, c'est assez classique. J'ai fait une école de mode. J'ai étudié le stylisme, le modélisme, pour apprendre la coupe. En dernière année, nous devions créer notre collection et je me suis rendu compte que j'aimais ça. J'ai effectué des stages dans des maisons de luxe mais je n'aimais pas du tout bosser pour d'autres. J'avais plutôt envie de faire mon petit truc tranquille (rires) plutôt que de forcément « en être ». J'ai quand même eu quelques expériences : à Londres chez J. W. Anderson, notamment. À la sortie de l'école, j'ai lancé une première marque, qui n'est pas celle que j'ai aujourd'hui, de vêtements d'intérieur. Je suis partie au Vietnam pendant deux mois et j'ai fait ma collection là-bas. C'étaient des pièces en soie, des ensembles inspirés de ceux que l'on porte beaucoup là-bas. Je suis revenue en France pour lancer la collection, j'ai organisé un événement à Paris. Mais après tout ça, j’ai pris conscience qu'il fallait le vendre, ce stock (rires). Disons que j'avais préféré m'occuper de la création puis de l'image et la communication... En parallèle, j'avais signé dans l'agence où j'avais commencé le mannequinat. Je travaillais, mais pas à temps plein, et j'avais de quoi vivre. À ce moment-là, j'ai vécu ma période d'art contemporain. J'ai pris un atelier, j'ai fait un peu de photo, un peu de sculpture. Ensuite, j'ai travaillé pendant quelques années pour la marque Rouje, comme styliste photo. Puis vinrent le confinement, le déménagement, et je suis tombée enceinte. Je ne me voyais pas faire ces allers-retours entre Paris et le Sud. J'en avais un peu assez de ces jobs de prestataire, de stylisme photo. Dans notre première maison, il y avait déjà un grand atelier : je rêvais d'en faire quelque chose, mais quoi ? J'avais testé plein de choses, mais je n'étais jamais allée au bout. Et en fait, je ne sais pas, cela s'est fait de façon très naturelle, organique. J'ai racheté des machines, des tissus, j'ai pris les premières photos, je les ai mises sur Instagram. Comme j'avais créé un vrai réseau dans la mode ces dernières années, ç'a pris directement. Et surtout, j'ai pu fonctionner vraiment comme je le voulais : pas de stock, tout à la commande et des tissus existants, chinés. Je n'ai pas refait l'erreur de la première marque... C'est un système qui convient à mes convictions et à mon énergie.
Pierrick
Je suis originaire de Toulouse. J'ai d'abord fait des études d'ingénierie aéronautique. À la fin de mon DUT, j'ai décidé de me réorienter. Je voulais revenir au design, qui me plaisait quand j'étais enfant. J'ai fait une prépa pour les écoles d'art et j'ai intégré l'École d'art et de design de Saint-Étienne. J'ai rencontré mon associé là-bas. On était un petit groupe de potes. On a eu notre licence puis, en quatrième année, on a décidé d'arrêter. On avait déjà quelques petits projets, des covers d'albums dans la musique, notamment. On a créé Wwwesh Studio il y a huit ans à Paris. C'est un studio de création pluridisciplinaire. On rase très large dans le champ de la création. Avec mon associé, on voulait se lancer dans quelque chose de vaste, qui comprenne direction artistique, concepts, scénographie et vidéo, contenu, CGI (computer generated images, ndlr) et 3D, identités visuelle et graphique... On travaille pour des marques sportswear comme Nike et Decathlon, mais aussi dans le milieu automobile, ou encore dans le luxe et la mode, avec Louis Vuitton ou encore Marine Serre. On reste toutefois assez focus street.
Tiphaine
Je me souviens de votre projet pendant Design Miami l'an dernier, vous aviez entièrement recréé une épicerie pour Nike.
"C'est important pour moi, cet équilibre entre la nature, la campagne, mais de ne pas être isolée, de faire partie d’un quotidien de village."
Dans la cuisine et la salle à manger, les objets chinés, trouvés au gré des pérégrinations du couple, sont légion.
A leur arrivée dans cette maison, Pierrick Sance s'est attelé à la tâche et a fabriqué la table de salle à manger.
L'atelier, situé à l'étage, est intégré à la maison. Un rêve de toujours pour Tiphaine Guiran.
TSF
Votre studio est toujours installé à Paris. Vous faites donc des allers-retours, Pierrick !
Pierrick
À peu près une fois par mois, environ trois ou quatre jours. Nous avons une équipe d'une quinzaine de personnes sur place. C'est une organisation bien rodée.
TSF
Tiphaine, comment décririez-vous votre marque ?
Tiphaine
Rétro. Ma source d'inspiration première, c'est ma grand-mère qui habitait sur la Côte d'Azur et qui passait beaucoup de temps avec ses copines dans les années 1970. J'ai des photos où elles sont toutes au bord de la piscine, très kitsch, avec ce style très méditerranéen : coloré, très féminin, avec de grosses boucles d'oreilles.
TSF
Et vos tissus, où les chinez-vous ?
Tiphaine
Principalement en Italie, à deux heures de Milan. Dans de grands hangars où il y a toutes les fins de rouleau des maisons de couture italiennes. Parfois, je chine un peu, principalement de petits métrages dans les brocantes. J'ai quelques imprimés auxquels je reviens plusieurs fois, mais ça m'anime moins.
TSF
Quelles sont vos actualités professionnelles, à chacun ?
Pierrick
Côté studio, on a eu une actualité intense pendant la Fashion Week, avec plusieurs projets d’installations, de campagnes et d’activations. On a notamment conçu des dispositifs scénographiques, réalisé des campagnes vidéo et imaginé des expériences immersives pour différentes marques. C’était une période riche en collaborations, en création et en visibilité. On a fait le choix de lever un peu le pied cet été, pour se ressourcer, nourrir notre créativité et aborder la suite avec un regard neuf.
Tiphaine
Je prépare les collections et pop-up de la rentrée, en parallèle j’aime profiter de l’été pour me ressourcer à fond et faire le plein d’inspirations. C’est souvent à ce moment-là qu’une grande partie de mes idées pour les nouvelles pièces me viennent, on se nourrit à fond de tout ce qui se passe ici, les rencontres photographiques d’Arles, la design parade à Toulon et à Hyères, on va aussi à Copenhague début aout pour la Fashion Week que j’adore la bas, c’est très diffèrent de Paris : ça correspond plus à mes références. Je vais également toujours chez mes grands-parents dans le Var ou je puisse toutes mes références méditerranéennes.
TSF
Dans quel genre d'environnement avez-vous grandi, et pensez-vous qu'il a influencé vos goûts ?
Pierrick
J'ai grandi entre Toulouse et la Dordogne. Depuis, j'ai gardé une affection solide pour la campagne ! Mon père et mon grand-père bossaient dans l'industrie aéronautique. Ils produisaient des pièces pour l'aviation. Mon frère aussi travaille dans ce secteur aujourd'hui. On a baigné dedans. C'est quelque chose qui est quand même assez manuel, tout ce qui touche à la production d'outils. Ça m'intéressait beaucoup, et a naturellement fait le lien avec le design. Mon grand-père maternel était dessinateur industriel. Il travaillait aussi beaucoup le bois. Il avait des machines à bois, il fabriquait des meubles. Faire les choses par soi-même, cette idée m’a toujours plu. Et surtout, faire avec mes propres mains.
Tiphaine
Mon père est artiste, il a toujours eu beaucoup de goût. On a habité dans des maisons qui étaient très belles et assez épurées. Mes parents ont fait la même chose que nous, ils ont quitté Paris à la trentaine. Ma mère est Parisienne et mon père est du Sud. J'avais 7 ans quand je suis arrivée en Provence.
Notre couvre-lit
et notre coussin
animent les après-midis d'enfants !
La passion de Tiphaine Guiran pour les dentelles anciennes se porte jusqu'aux murs de la maison : dans la chambre, mais aussi dans le salon, sur les assises.
“Ce grand atelier, je rêvais d'en faire quelque chose, mais quoi ? J'avais testé plein de choses, mais je n'étais jamais allée au bout.”
TSF
Quelle ambiance avez-vous voulu créer chez vous ?
Tiphaine
De mon côté, j'adore chiner dans les brocantes et sur leboncoin, plutôt des objets, des meubles... La déco de la maison s'est composée avec ce qu'on trouvait sur notre chemin ! Ici, on a voulu mélanger un côté très classique et provençal à des pièces plus contemporaines et colorées.
Pierrick
Moi aussi, je chine sur Leboncoin, mais pour acheter de l'utilitaire : notre voiture, par exemple !
Tiphaine
Mon ajout, ce sont les tissus : j'aime bien fabriquer de gros coussins brodés, des rideaux comme ceux en dentelle ancienne dans la chambre pour rythmer la pièce. Pierre, il a des tonnes de livres, notamment de design. Cette maison, c'est vraiment un mélange de nous tous.
Pierrick
Un beau bazar.
Tiphaine
Et toi, tu as fabriqué la table de salle à manger !
Pierrick
Quand on est arrivés ici, j'ai récupéré ces planches chez un menuisier du coin et je les ai travaillées avec les anciennes machines de mon grand-père.
Tiphaine
Et puis, on fonctionne beaucoup avec les voyages. Quand on part, souvent, on emporte une valise vide en plus. Récemment, nous avons découvert les puces de Copenhague – on est devenus dingues ! On a acheté d'anciens jouets, des poissons en céramique. Et puis, vous avez dû remarquer beaucoup de cailloux posés çà et là dans la maison : c'était notre passion, quand on était Parisiens. On filait à une ou deux heures de Paris à la découverte des pierres du bassin aux alentours.
Pierrick
Précisons qu'on ne peut plus le faire... C'est interdit, désormais ! Maintenant qu'on est ici, on s'est découvert une passion pour la petite ville de Cadaqués.
Tiphaine
D'ici, ce n'est pas très loin. J'y allais quand j'étais petite. Maintenant, on s'y rend 2 ou 3 fois par an avec les enfants.
TSF
Quels travaux avez-vous engagés ici ?
Tiphaine
C'est vraiment de la décoration et du bricolage. On n'a pas fait de travaux.
TSF
Que pensez-vous de The Socialite Family ?
Tiphaine
On a toujours suivi et aimé le media ! On a découvert la marque plus récemment, ça correspond beaucoup à ce qu’on aime en termes de mobilier, de textures, de couleurs, on aime le mix entre le côté classique et contemporain, le côté vintage mais pas trop, la beauté des matériaux.
TSF
Avez-vous une ou plusieurs pièces préférées dans notre collection ?
Tiphaine
J'adore le couvre-lit
qu’on a dans notre chambre, ça illumine tout de suite la pièce et surtout ça fait vacances, ça me rappelle les motifs du pool house de ma tante sur la Côte d’Azur. Sinon on adore le mobilier d’extérieur notamment les ,
il me fait penser au jardin de la maison Dali à Cadaquès que j’adore.
TSF
Quelles sont vos bonnes adresses de la région ?
Tiphaine
On en a tellement c’est toujours difficile de choisir mais si on reste dans le Luberon proche de chez nous je dirais qu’un dîner au Domaine du Castels à Sivergues s’impose. C’est un hôtel avec un emplacement dingue, des chèvres partout et vue imprenable sur le Luberon. On est allés ensemble déjeuner au Café du Progrès à Ménerbes, le village est l’un de mes préférés. Pour un dîner en amoureux sur la terrasse, chez Francis à Bonnieux. Toujours à Bonnieux, une glace au Tinnel. Un cocktail le soir au Café de Cappelongue, un bel hôtel sur les hauteurs du village. Les enfants adorent quand on va à la guinguette Papotte à Lumières, un food truck délicieux et paradis des petits. Sinon, il faut m’écrire j’ai toujours des listes enregistrées dans mon téléphone que je me fais un plaisir de partager !
La cueillette au potager - le royaume de Pierrick Sance - est devenu une activité récurrente en famille.