Inspiration
Charles Zana présente son « Utopia »
Il aime proposer des intérieurs « curatoriés » pour ses clients, mais cette fois, c’est pour la galerie Tornabuoni Art que Charles Zana s’est mué en curateur. Fondé à Florence en 1981 par Roberto Casamonti, l’établissement spécialisé dans l’art italien de l’après-guerre présente dans son annexe parisienne la bien nommée exposition Utopia. Un projet unique, imaginé et scénographié par l’architecte de renom, qui se fonde sur l’idée du dialogue. Celui qu’il instaure entre les plus grands artistes et architectes italiens des années 1950 à 1970, à travers une sélection exceptionnelle d’une quarantaine d’œuvres d’art, de design ou de mobilier. Jusqu’au 21 décembre, c’est donc avec émerveillement que nous pourrons admirer dans une suite de salons intimes des « couples » de pièces, mettant en lumière la relation qui existe entre certains grands noms d’hier. Michele de Lucchi et Alberto Burri, Gino Sarfatti et Paolo Scheggi, Carlo Scarpa et Dadamaino pour ne citer qu’eux. Ettore Sottsass aussi sera de la partie. Ce génie précurseur, Charles Zana en est transi d’admiration. À tel point qu’il en collecte depuis des années des trésors, allant du prototype au luminaire en passant par certains iconiques totems en céramique. Une passion pour le visionnaire qui lui a inspiré une certaine liberté dans l’utilisation des couleurs et des cultures anciennes dans son travail. Car même si Charles Zana a été élevé par un père collectionneur avec qui il écumait les galeries du VIIIᵉ arrondissement le samedi, son éducation, elle, s’est construite au fil des casquettes endossées. Celle d’étudiant, déjà boulimique de peinture, diplômé des Beaux-Arts de Paris avant de s’envoler pour New York. Un terreau culturel incroyable qu’il quitte pour obtenir son titre d’architecte DPLG. Un autre de ses multiples visages, qui amorce le début de son agence. Celle qui aujourd’hui signe aux quatre coins du monde des projets écrivant à chaque fois une nouvelle histoire « en lui conférant une plus grande valeur conceptuelle». Rencontre dans le showroom-galerie du chef d’orchestre. Un homme passionné, amoureux de l’Italie, possédant un sens du détail précis mais surtout, précieux. La preuve en images, avec cet écrin regorgeant de références, confidentielles mais aussi signées, comme l’atteste l’immense canapé Alexandra en velours autour duquel nous sommes aujourd’hui exceptionnellement rassemblés.
Exposition Utopia, du 18 octobre au 21 décembre à la galerie Tornabuoni Art. Passage de Retz, 9 rue Charlot – 75003 Paris.
texte
Caroline Balvay
Photographies et Vidéos
Constance Gennari
TSF
Charles, pouvez-vous vous présenter ?
Charles
Après des études aux Beaux-Arts de Paris, je suis parti deux ans à New York travailler dans différents studios d’architecture et de design. C’est à ce moment-là que, par une série de rencontres décisives, j’ai commencé à travailler en tant qu’architecte d’intérieur. À mon retour en 1988, j’ai collaboré deux ans avec Bernard Fric chez Asymétrie sur des projets de décoration et d’expositions internationales. Puis, en 1990, j’ai créé mon agence, Charles Zana Architectes qui m’a permis de développer ma vision – celle d’un amateur et collectionneur d’art féru de design, qui sait en parler comme en extraire les enseignements essentiels. J’aime mettre en valeur les œuvres de mes clients-collectionneurs en accompagnant leur regard à la manière d’un commissaire d’exposition. En me référant à la sculpture, à l’abstraction, au dessin et à l’installation artistique, j’arrive à écrire dans chaque projet une nouvelle histoire en lui conférant une plus grande valeur conceptuelle. Car au-delà du métier d’architecte ou de décorateur, j’aime proposer des intérieurs « curatoriés », artistiques et remplis de sens, mais aussi chaleureux et adaptés à la vie de leurs occupants.
TSF
Architecte, designer et collectionneur passionné : qu’aimez-vous le plus faire dans votre vie ?
Charles
Ce qui me passionne le plus dans mon métier, c’est la genèse des projets. Ce moment où l’on visite pour la première fois un lieu, où l’on dessine les premiers croquis et où l’on écrit les premiers mots d’un projet. Je fais mon métier depuis trente ans pour ces instants magiques. C’est mon adrénaline. Pour le collectionneur que je suis, c’est la recherche des pièces qui m’anime et pas la possession.
TSF
Qu’est-ce qui inspire votre travail ?
Charles
Je suis passionné par l’art et le design depuis mon plus jeune âge. Je m’inspire aussi de mes voyages, de ce que j’ai l’occasion de voir, de visiter, mais aussi de ma famille, de mes émotions, ou encore des spectacles ou des films que je vais voir.
TSF
Pourquoi l’Italie et le travail de certains architectes designers vous fascinent-ils autant ?
Charles
Ce pays a toujours eu une place à part dans ma vie. Pour sa culture, la beauté de ses paysages, son histoire, sa cuisine bien sûr, mais aussi pour la diversité de ses régions et pour ce formidable mouvement culturel de l’après-guerre qui a bousculé les codes. Sur les bases d’une industrie du mobilier très puissante, les architectes italiens ont inventé ce que l’on appelle aujourd’hui le design. J’aime ce mélange de classicisme et de folie du mobilier italien. J’aime particulièrement le dessin de Luigi Caccia Dominioni, la folie lumineuse de Gino Sarfatti, le baroque dadaïste d’Alessandro Mendini, la naïveté enfantine de Bruno Munari, l’humanisme clair d’Andrea Branzi , le don de l’harmonie de Michele De Lucchi et enfin le génie absolu d’Ettore Sottsass !
TSF
Quelle pièce rêvez-vous d’acquérir un jour ?
Charles
Je rêve de vivre un jour dans la chambre Mobili Grigi de Sottsass qui correspond pour moi au rêve Utopique des années 1970 de changer le monde.
TSF
Parlez-vous italien ?
Charles
C’est une bonne question et à mon grand regret, je dirai que pas encore… mais c’est promis, je démarre les cours en janvier !
TSF
Quel est le chantier qui représente le plus votre univers ?
Charles
Le prochain, bien sûr ! Plus sérieusement, c’est l’ensemble de mes projets qui me représente. Chacun forme une part de mon style.
TSF
De quoi rêvez-vous ?
Charles
Un de mes rêves les plus fous était de réunir dans une exposition les 15 architectes italiens et les 15 artistes italiens de l’après-guerre qui me fascinent. J’ai enfin pu réaliser ce rêve avec la galerie Tornabuoni Art qui accueille à partir du 18 octobre prochain et jusqu’au 21 décembre l’exposition Utopia.
TSF
Auriez-vous un bon restaurant à nous recommander à Paris, ou ailleurs ?
Charles
Le Petit Lutétia et Le Grand Véfour à Paris.