Familles
L’appartement en technicolor du musicien Myd
Chez
Quentin Lepoutre, dit Myd
Cette rentrée, The Socialite Family la vit sous le signe de la musique. Musique entraînante pour des jours et des nuits d’automne bien occupés. Musique d’ambiance pour se remettre en rythme. C’est donc naturellement que nous sommes allés à la rencontre de Quentin Lepoutre – alias Myd – figure solaire de la scène électronique française, en pleine promotion de son dernier album, le bien nommé Mydnight, sorti le 29 août. De Villeneuve-d’Ascq, sa ville natale du Nord, aux scènes internationales, Myd, qui a trouvé sa vocation adolescente devant un set de Fatboy Slim, n’a cessé de suivre son instinct. Résultat : une carrière solo remarquée depuis 2017.
Accueillis par ses lunettes noires et son sourire en coin, nous avons ainsi pénétré dans son antre parisien qui ne ressemble qu’à lui : solaire, joyeux, plein d’humour et de contrastes. Ici, Myd et le Studio Zyva ont créé, selon les termes du musicien, « la chambre d’hôtel idéale ». Un refuge qui peut apparaître comme radical, aux pièces allant du bleu layette au rose tendre, en passant par le jaune vibrant bouton d’or. Des ambiances, surtout, conçues comme autant d’humeurs. Dans ce décor conçu comme petit terrain de jeu, on marque une pause devant la table monumentale en terrazzo vert et rose, qui donnerait presque un air d’Alice au Pays des Merveilles tout en proportions décalées à cet appartement si bien optimisé, ou la foule de détails ingénieux : poignées fabriquées à partir de prises d’escalade, panier à linge dissimulé, mobilier servant aussi bien aux rangements qu’à la circulation fluide dans l’espace. Oui, tout reflète cette liberté rafraîchissante de celui qui compose ses morceaux comme il façonne ses espaces : avec instinct, souci du détail et une sans contraintes.
Lieu
Paris
texte
Elsa Cau
Photographies et Vidéos
Clément Vayssières, Gautier Billotte
Avec le tabouret Septem du designer Axel Chay, dans le salon.
TSF
Doit-on vous appeler Myd, ou Quentin ?
Myd
Tu peux m'appeler Myd : peu de monde m'appelle Quentin, à part ma mère !
TSF
Qui êtes-vous, Myd ?
Myd
Je m'appelle Myd, ma mère m'appelle Quentin. Je fais de la musique. Je suis amoureux de la musique depuis mes 14 ans. La première fois que j'ai vu un DJ jouer, c’était Fatboy Slim et j'ai pensé – tout comme un rocker pourrait être excité à l'idée d'acheter sa première guitare – qu'il me fallait des platines. Donc, j'ai été assez vite intéressé par le fait de fabriquer de la musique de manière différente, et pas forcément avec des instruments traditionnels. Pour ma part, en bon geek, avec un ordinateur, un sampler, des synthétiseurs. Tout cela m'a conduit à faire de longues études d'ingénieur du son, qui, finalement, ne m'auront jamais amené à être ingénieur du son (rires). Donc, j'étais censé être ingénieur du son pour le cinéma mais, en parallèle, je faisais le plus possible l'école buissonnière pour aller donner des concerts de plus en plus loin de chez moi.
TSF
Vous êtes-vous tout de suite lancé après vos études ?
Myd
J'ai formé des groupes de musique et, au fur et à mesure, je me suis formé. J'ai vu ce que je voulais faire exactement en musique, j'ai précisé mes goûts et je me suis rendu compte que j'avais surtout besoin – et envie – de faire de la musique tout seul. En 2017, je me suis lancé et j'ai commencé mon projet solo qui s'appelait déjà « Myd ». Très rapidement, j'ai signé un premier disque solo avec Ed Banger Records, un label que j'adorais déjà. Chez Ed Banger Records, J’aime le côté familial, la direction artistique ; c’est ambitieux et novateur. Je me suis dit que c'était sûrement la famille qu'il me fallait. Ce premier disque, c'était un peu notre premier date, pour voir si on s'entendait bien. On a continué ensemble, en 2021, puis j'ai tourné pendant quasiment trois ans, jusqu'à l'an dernier, quand je me suis enfermé en studio pour faire mon dernier album, sorti il y a quelques jours seulement, le 29 août dernier !
TSF
Y a-t-il eu un tournant dans votre carrière ?
Myd
On peut dire que ma rencontre avec Pedro Winter a marqué un tournant dans ma carrière. Il m'a poussé à simplifier les choses et à me connecter avec ce que je désirais vraiment. J'ai beaucoup de choses en tête et je pars un peu dans tous les sens. Les rencontres importantes comme celle-ci m'ont un peu recentré. Par exemple, le morceau The Sun, je voulais l'appeler autrement, je trouvais ce titre trop simple. Pedro m'a dit d'arrêter de me prendre la tête (rires) : « Tu n'es plus dans un groupe où tu essaies de tout faire compliqué, d'être plus malin que les autres. Sois simple. Tu es solaire, ça te va bien. » Il avait raison, c'est une anecdote symbolique mais cette manière de réfléchir a changé ma vie ! Se prendre un peu moins la tête, suivre son instinct.
TSF
Comment décririez-vous votre style, votre musique ?
Myd
Avant toute chose, c'est de la musique électronique, c'est-à-dire principalement faite avec des instruments électroniques ou bien des instruments qui sont souvent samplés, retravaillés, passés dans des effets. Donc, de la musique électronique, solaire et dansante.
Chez Myd, chaque pièce est délimitée par une couleur : salle à manger rose, salon bleu, chambre jaune égayent les espaces et forment des cloisons naturelles.
“Le blanc, c’est le silence, et la couleur, c’est la musique"
"Les livres sont très importants pour moi : comme sources d'inspiration, c'est vraiment un autre angle qu'Internet, beaucoup plus poussé, avec des raretés, des informations et des images inédites. Par les livres, on a quand même le prisme d'un éditeur et tant de possibilités qui ne correspondent pas à des recherches ou des algorithmes."
Sur les placards de la chambre, des prises d'escalade transformées en poignées.
TSF
Dans quel environnement avez-vous grandi et comment a-t-il influencé vos goûts ?
Myd
J'ai grandi près de Lille, à Villeneuve-d'Ascq. Mon père était médecin – et c'était aussi un pianiste passionné – et ma mère exerçait dans la formation professionnelle. Chez moi, ce n'était pas particulièrement porté sur la déco ou le design. On n'a jamais eu de meubles signés à la maison, pas particulièrement de cadres au mur, mais toujours un environnement confortable et qui nous ressemble, avec un air de liberté qui flottait chez nous : on m'a toujours laissé faire ce que je voulais, exploiter un côté artistique. Cela m’a aidé à m'ouvrir. Mes parents voyageaient beaucoup. Parfois, mon père rapportait des objets des États-Unis, ma mère des tableaux d'Afrique. Il y avait chez nous une sorte de mélange de choses qui racontaient qui on était. Je me souviens que j'étais souvent étonné quand j'allais chez des amis dont les parents vivaient dans environnements plutôt anonymes. C'est une question de style personnel, pas de valeur. Ce truc intime qui raconte ta vie dans une maison.
TSF
Nous sommes ici chez vous. Racontez-nous l'histoire de ce lieu.
Myd
Mon rêve, depuis mes 18 ans, c'était d'avoir un studio de musique. Quand je suis arrivé à Paris, j'étais en coloc et ma chambre ressemblait plus à un studio qu'à une habitation. Il y avait l'ordinateur au milieu de ma chambre avec des câbles partout, une batterie et mon matelas, c'était vraiment un bout de mousse dans un coin. Mais pour moi, il n'y avait rien de plus important que la musique. Et c'est toujours le cas, d'ailleurs. J'ai d'abord acheté un studio de musique il y a 4 ans, que j'ai vraiment fait à mon goût : un endroit où je me sens bien, qui sonne comme moi. J’y passe le plus clair de mon temps, quasiment six heures par jour. Pour un musicien, et particulièrement de musique électronique, le studio, c'est une espèce de cerveau, un outil qui doit aller hyper vite. C'est comme si un écrivain avait un stylo fait sur mesure, moulé à ses doigts. Le seul truc qui manquait à mon studio, c'était un endroit pour dormir. Et puis, comme je partais de plus en plus souvent en tournée, j'étais frustré de rentrer dans un chez-moi qui ne me plaisait qu'à moitié. J'avais l'impression que c'était mieux en tournée que chez moi (rires). Un jour, je suis tombé sur un appartement à vendre tout près. C’est tout de même pratique de compartimenter... En plus, je suis quelqu'un d'assez solitaire, j'ai besoin d'être chez moi. Et je voulais quelque chose qui m'excite autant que lorsque je découvre une nouvelle chambre d'hôtel, un nouveau club, un festival, que je rencontre de nouvelles personnes. C'est beaucoup de sollicitations et beaucoup de nouvelles inspirations quand tu pars pour l'étranger ou quand tu pars en date (de tournée, ndlr). Bref, ç'a été l'occasion de faire un endroit inspirant.
TSF
Comment décririez-vous votre appartement ?
Myd
C'est la chambre d'hôtel idéale. Je me suis beaucoup inspiré de cette idée. J'ai pris beaucoup de photos de chambres d'hôtel que j'aimais, comme l'hôtel Amour de Nice par exemple, tant pour le confort et la praticité que pour l'originalité. Je ne sais pas si c'est propre à tous les artistes, mais, en tout cas, moi, je suis hyperdésordonné. Il me fallait donc un endroit où je pouvais vraiment ranger mes affaires. Mon rêve, c'est d'oublier complètement les objets, de devenir minimaliste et que le bordel que je crée disparaisse. Cet appartement, il est vraiment parfait. Ici, il n'y a pas de meubles. Il y a un lit, une table basse, un canapé. J'avais besoin d'optimisation à l'extrême. Ça me faisait kiffer aussi, de ne plus être tributaire de meubles que tu transportes. Et aussi, j'aime bien cette idée de produit fini, que l'on ne touche plus. Cela vient sûrement de la musique. Quand tu crées un morceau, il est fait, il sort et tu n'y touches plus. Cet appartement, c'est la même chose : il ne peut pas trop exister sous une autre forme. En plus, je m'enlève ces questions-là de la tête, c'est reposant. (Rires.) En faisant un agencement aussi fixe, des couleurs aussi radicales, mais qui vont les unes avec les autres et qui sont complémentaires, je peux me concentrer sur ce qui m'intéresse vraiment, c'est-à-dire la musique. Là, je suis sûr et certain que si je veux me poser pour lire, j’ai trois endroits possibles, et chacun a ses vibes différentes. Il n'y a pas une multitude de choix et ça me plaît bien, cette simplicité.
TSF
Parlons-en, des couleurs, parce que ce n'est pas fréquent ce bleu-layette et ce rose-jaune…
Myd
J'en avais marre du blanc. Le blanc, c'est le silence, et la couleur, c'est la musique ! Et puis, on pense toujours qu'un intérieur classique est blanc, mais on oublie qu'à toutes les périodes décoratives, au hasard l'Art déco, les intérieurs étaient parés de grands aplats de couleur aux murs. C'est aussi le cas dans une maison que j'adore près de chez moi, la villa Cavrois ! Même chez nos grands-parents : souvent, on appelait les chambres par leur couleur. La chambre rose, la chambre bleue... On a tous connu ça. Bleu ciel, c'est une couleur qui m'a toujours plu. J'avais fait le test il y a longtemps, quand j'étais en coloc, de peindre ma chambre entièrement bleue, c'est-à-dire plafond, murs et sol. Et j'avais adoré le monobloc. J'aimais bien le fait d'être dans une espèce de cocon et de décor. Je trouvais ça hyperapaisant. J'avais lu que le bleu était très bon pour la fréquence cardiaque. Autrefois, dans les tanks qui emmenaient les soldats en première ligne, l'intérieur était peint en blanc jusqu’à ce qu’on se rende compte que cela stressait les hommes ; ils ont changé pour une sorte de bleu ciel. La couleur joue sur l’humeur ! Alors, quand je suis arrivé ici, j'avais en tête de faire des cubes de couleur pour donner différentes humeurs. J'ai rencontré ce mec, Anthony Authié, l'architecte d'intérieur de Zyva Studio. Son travail me plaisait, j'avais envie d'avoir son point de vue et j'aime bien partager d'artiste à artiste, aussi ! On était d'accord sur cette vision : mieux vaut la couleur radicale que le blanc ennuyeux. Mieux vaut débattre avec quelqu'un que de converser avec une personne qui dit oui à tout. Mieux vaut ajouter une dose d'imprévu en musique et risquer de ne pas être forcément apprécié que l'inverse. Tout ça, c'est la même chose ! Anthony m'a dit : viens chez moi. C'est génial, il a une technique toute simple de vendeur : au lieu de te convaincre d'acheter la veste, il l'enfile et il te dit : « Regarde, sur moi, c'est pas mal, non ? (Rires). Bref, j'ai fini par donner carte blanche à Anthony, après toutes ces conversations. Et je suis heureux comme tout, ici. Franchement, c'est magnifique. J'ai l'impression que cet appartement m'aide à amplifier les souvenirs et les moments que j’y passe.
TSF
Y’a-t-il eu des changements d’avis colorés de dernière minute ?
Myd
La chambre, jusqu'au dernier moment, elle devait être verte. Je n'aimais pas trop. D'autant plus que le vert, c'est censé être la couleur porte-malheur pour les artistes. On est allés chez Ressource pour la peinture et le vendeur, c'est marrant, il nous a dit : « J'ai un jaune de ouf, un jaune qui est un peu passé, qui est très beau. » C'était réglé. Les peintures, elles sont trop belles parce qu'elles changent beaucoup avec la lumière et il en dégage des ambiances assez différentes selon les moments. Quand c'est photographié avec le flash, ça rend un effet très néon, mais à vivre, elles sont très douces.
TSF
Avez-vous fait beaucoup de travaux, ici ?
Myd
Non, et c'est ça qui était assez intéressant, c'est qu'on ne pouvait pas trop toucher la structure parce que l’appartement se trouve au rez-de-chaussée d'un immeuble ancien. Au contraire, on a dû utiliser cet espace assez biscornu. Ce qui est à l'inverse du travail d'Anthony, qui aime bien travailler les cubes et les surfaces très géométriques. Donc c'était drôle. Il a réussi à créer la géométrie dans cet endroit. Il y a eu une longue phase de recherche pour sourcer les matériaux et les détails : les poignées de porte et de placard, ce sont des prises d'escalade. Je suis aussi assez fier de certaines de nos petites idées : dans la chambre, par exemple, le trou du panier à linge sale intégré, caché dans le meuble. C'est vrai quoi, c'est toujours moche un linge sale ! On a repensé à la poubelle intégrée au plan de travail qu'on avait l'habitude de faire avant, dans les cuisines. On l'a adaptée à la chambre.
Dans la chambre, pour optimiser l'espace tout en prenant en compte le défi lancé par Myd : créer un panier à linge sale invisible et pratique. Pari réussi en reprenant l'idée des poubelles de cuisine dissimulées dans les plans de travail.
"Au lieu d’acheter le sempiternel Togo, chinez sur Leboncoin et peignez vos murs !”
TSF
Parlez-nous d'un objet, d'une œuvre, d'une pièce que vous aimez particulièrement chez vous.
Myd
J'adore la grande table en terrazzo. On devait dessiner des meubles intégrés, en volume. Anthony a eu l'idée de faire d'un espace entier une table avec banc intégré, gigantesque comparé au lieu (l'appartement dans son ensemble mesure 45 m2, ndlr). Au début, on voulait le faire en carrelage, mais ce n'était pas très excitant. Il me parle alors de Mosaic Factory, un peu plus cher mais qui fait du terrazzo sur mesure. Une possibilité infinie de couleurs, de grains, de motifs. On décide de faire ce terrazzo vert et rose. Dedans, la structure est en métal : je voulais que la table soit très solide parce qu'elle est une pièce en même temps qu'un meuble : on grimpe dessus pour accéder à la bibliothèque, par exemple. Je voulais le confort de pouvoir me balader dans cet appartement, et j'aime bien ce côté « arbre à chat ». En plus, on peut être hypernombreux, on a déjà été dix à table ! Les perspectives sont bizarres partout dans cet appartement et c'est assez agréable. Il y a un truc de jeu vidéo.
TSF
Vous me parliez aussi de vos livres, tout à l'heure...
Myd
Les livres sont très importants pour moi : comme sources d'inspiration, c'est vraiment un autre angle qu'Internet, beaucoup plus poussé, avec des raretés, des informations et des images inédites. Par les livres, on a quand même le prisme d'un éditeur et tant de possibilités qui ne correspondent pas à des recherches ou des algorithmes. D'ailleurs, je m'y étais frotté, côté photo. On vient d'en sortir un qu'on a shooté à Dubaï avec Alice Moitié pour la sortie d'un single. On avait fait un livre en 2017 pour la sortie de mon premier single chez Ed Banger : All Inclusive.
TSF
Vous recevez beaucoup, ou vous êtes plutôt du genre cocon ?
Myd
Oui, je reçois. C'est un petit cocon, mais justement, on peut tout à fait ne pas accéder à la chambre. C'est assez marrant parce que les couleurs, d'une certaine manière, peut-être inconsciemment, délimitent les espaces.
TSF
Chinez-vous beaucoup ?
Myd
Il m'arrive de chiner sur Leboncoin. En fait, j'ai beaucoup d'alertes sur Leboncoin, qui devient aussi une sorte de lieu d'inspiration avec des trucs qui viennent à toi. Ce sera autant des instruments de musique que du matos ou des chaises. Ça en devient presque un réseau social (rires). Ma table basse, un des seuls meubles « volants » de l'appartement, je l'ai achetée sur Leboncoin. Je recommanderais à tout le monde de faire ça, d'ailleurs. Au lieu d'acheter le sempiternel Togo, chinez sur Leboncoin et peignez vos murs !
TSF
Quelles sont vos actualités du moment ?
Myd
Mon dernier album est sorti le 29 août, il s'appelle Mydnight. Et le 19 février 2026, je suis en concert au Zénith de Paris !
TSF
Que pensez-vous de The Socialite Family ?
Myd
C’est un univers qui marie l’intime et le contemporain, une atmosphère chaleureuse et légère, comme un refrain qu’on garde sans y penser. Peut-être que la French Touch de la déco, c’est ça. »
TSF
Quelle est votre pièce préférée de notre collection ?
Myd
Ma pièce préférée, c’est la table basse
J’adore ce genre de meuble dans mon studio : il rend l’espace vivant, modulable, capable de s’adapter aux artistes et aux projets sur lesquels je suis.