Famille

Dans le Gers, un ancien corps de ferme réhabilité en un havre familial de création

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Chez

Carla Talopp et Thomas Millet, Ulysse 9, Jimmy 7 ans

"Vivre à Paris en étant deux artistes avec l’envie de fonder une famille dans un bel espace : nous avons vite compris que ce n’était pas possible pour nous !" s’amuse Thomas Millet en évoquant la rencontre avec la maison qu’il partage avec Carla Talopp, sa compagne, et leurs deux garçons. Après des recherches de près d’un an à la recherche d’un « projet fou, bien plus grand qu’eux », idéal pour construire une famille et pour créer, le couple est tombé sur cet ancien corps de ferme à la vue dégagée vers l’horizon en plein cœur du Gers. Une grande bâtisse qui n’a désormais plus aucun secret pour le photographe qui s’est attelé lui-même à sa réfection pendant deux ans, travaillant main dans la main avec des artisans locaux. C’est en échangeant avec eux, ferronnier, menuisier, carreleur, peintre ou bien expert en béton ciré, que l’ex-citadin a appris. Grâce à eux que le fondateur du Studio Nomade est désormais capable de réaliser lui-même ses murs à la chaux, ses murets en pierre ou encore sa terrasse en bois. Un certain art de vivre que partage la peintre, qui mentionne « l’art de relier les arts et le quotidien » de Sonia Delaunay dont l’œuvre était indissociable de la vie. Ou l’importance des objets qui les entourent. Tous représentatifs « d’une personne, d’un moment sublimé ». D’un état d’esprit aussi ! En cela, l’intérieur de ces deux créatifs est perpétuellement en mouvement. Comme obéissant à des flux de création. Des envies. « Quelque chose de vivant, invitant à l’imaginaire », quand celui-ci n’est pas fixé à son tour sur leurs supports favoris : les tirages photographiques et les toiles. De somptueux exutoires qui peuplent les différents espaces de leurs volumes, des revêtements en bois de certaines pièces à l’atelier – véritable « temple sacré » de Carla – et sur lesquels est fixée pour l’éternité la nature. Leur principale inspiration. Mieux, respiration !

Lieu

Gers

texte

Caroline Balvay

Photographies

Eve Campestrini

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TSF

Carla, Thomas : pouvez-vous vous présenter ?

Thomas

Je suis photographe et j’ai 44 ans. Je vis dans le Gers avec Carla et nos deux enfants Ulysse et Jimmy depuis sept ans, et je travaille un peu partout.

Carla

Carla, artiste peintre. Je viens d’avoir 40 ans. Quel tournant ! L’impression de vivre plusieurs vies.

TSF

Quel est votre parcours ?

Thomas

J’ai grandi à Paris, j’ai fait des études d’architecture pendant trois ans et j’ai assez vite arrêté pour me consacrer à la photographie en devenant assistant. J’ai débuté comme apprenti avec le photographe portraitiste Denis Rouvre pendant un an, j’ai assisté très jeune d’autres photographes comme Bettina Reims ou Yann Arthus-Bertrand, puis, à 22 ans, je suis parti faire le tour du monde pendant deux ans en voiture pour traverser le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Depuis, je vis en France, mais mon travail continue de me faire parcourir le monde. Il y a sept ans nous avons décidé avec Carla de quitter la ville pour de plus grands espaces et avons atterri dans un petit village du Gers où nous avons rénové un ancien corps de ferme. Et ça n’est pas fini !

Carla

Petite, j’ai habité Grenoble et Annecy avant d’arriver en région parisienne. Ce changement radical a marqué mon enfance. Je repense à notre chalet et à notre jardin comme à un paradis perdu. Puis j’ai beaucoup voyagé pendant et après mes études à l’ESAG Penninghen, j’ai habité un an aux États-Unis pour aller à la Rhode Island School of Design. J’ai adoré mes années parisiennes, j’ai aussi pensé m’installer à New York pour y devenir artiste. Mes premiers jobs en tant qu’illustratrice et en résidences d’artistes ont continué de me faire voyager. C’est finalement ma rencontre avec Thomas qui nous a donné cet élan commun de chercher un nouveau nid pour y construire une famille, trouver un lieu propice à la création. Un projet fou (tout le monde nous a pris pour des rêveurs utopistes), bien plus grand que nous. Mais c’était certainement ce dont nous avions besoin !

TSF

Parlez-nous de votre éducation. Dans quel cadre avez-vous grandi – et par conséquent développé votre goût ?

Thomas

J’ai grandi dans le VIIe arrondissement de Paris. Ma mère est styliste et mon beau-père était décorateur. Nous avons toujours été dans de beaux appartements lumineux, entourés d’œuvres d’art et de mobilier signé. Une chance qui m’a sans doute apporté le goût de l’esthétique et une éducation artistique hors du commun. Mon frère et ma sœur sont eux aussi respectivement graphiste et artiste.

Carla

J’ai grandi avec trois sœurs qui sont les piliers de ma vie. Mon père était designer industriel, c’est un éternel bâtisseur. Ma mère était institutrice (et une éternelle enseignante). Nous avons donc souvent déménagé et je me souviens que la première chose que mon papa faisait dans un nouveau lieu était d’imaginer quels murs il allait pouvoir casser pour agrandir l’espace et amener de la lumière. J’ai toujours prêté énormément d’attention à tout ce qui m’entourait, chaque objet rapporté d’un voyage, chaque cadre… Tout cela représentait pour moi des choses devant lesquelles je pouvais passer des heures. Comme si elles dégageaient quelque chose de vivant, invitant à l’imaginaire.

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J’ai toujours prêté attention à tout ce qui m’entourait (...) Tout cela représentait des choses devant lesquelles je pouvais passer des heures. Comme si elles dégageaient quelque chose de vivant, invitant à l’imaginaire.

TSF

Designers, artistes : quels sont ceux dont l’œuvre a eu une influence sur vous, votre travail ?

Thomas

Les architectes qui étaient également des designers. Je suis très sensible à Carlo Scarpa, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Charlotte Perriand ou encore Jean Prouvé. Et pour la photographie Denis Rouvre ! Il y a également le collectif Tendance Floue dont j’aime la sensibilité ou le travail de Rineke Dijkstra. J’adore le travail de l’artiste Philippe Ramette. Mais mon artiste préférée reste Carla Talopp !

Carla

Je me suis construit une sorte de bibliothèque visuelle et picturale très tôt, et très large ! Enfant, je recopiais les œuvres de Vincent van Gogh, d’Édouard Manet, d’Edgar Degas. Des classiques impressionnistes toujours chers à mon cœur, avant de découvrir et d’être fascinée par – dans l’ordre – l’Arte povera et Giuseppe Penone à la vingtaine, les expressionnistes allemands, américains, Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol pendant mes études aux États-Unis, pour ensuite sortir de la peinture avec Richard Serra, le Land Art, Christo, Andy Goldsworthy, et revenir à la couleur avec Pierre Bonnard, Gustav Klimt. À partir de la trentaine, je me suis penchée sur les artistes femmes contemporaines et celles dont l’histoire n’a pas retenu le parcours. Ce sont elles qui m’accompagnent le plus aujourd’hui dans mon atelier, Kiki Smith, Louise Bourgeois, Sonia Delaunay, Hilma Af Klint. Enfin j’aime le travail de Claire Tabouret, Françoise Pétrovitch, ou encore Caroline Denervaud.

TSF

Dans quelle mesure votre travail influence-t-il votre rapport à la décoration intérieure ?

Thomas

Mon travail de photographe est de composer, mettre en scène et raconter des histoires où les gens se sentent bien.

Carla

Il n’y a pas de frontières entre ma journée à l’atelier, la décoration et le soin apportés à ma maison, ma vie de famille et de femme… et les serviettes de table ! Souvent, je pense à la vie indissociable de l’œuvre de Sonia Delaunay. Son art de relier les arts et le quotidien. C’est très important pour moi, plus que la décoration intérieure en tant que telle. Les objets qui m’entourent sont constitutifs de ma vie, je les ai chinés ou rapportés de voyage, ils me font penser à une personne ou à un moment sublimé. Ils m’inspirent. Tout particulièrement les tissus, comme si je m’imprégnais d’eux pour créer. Je passe mon temps à interchanger les espaces, à déplacer les meubles. J’ai besoin de mettre du mouvement et d’adapter mon intérieur en fonction de ce que je crée et de mon état d’esprit du moment. À moins que ce ne soit l’inverse ?

TSF

Racontez-nous votre rencontre avec cette maison ?

Thomas

Vivre à Paris en étant deux artistes avec l’envie de fonder une famille dans un bel espace : nous avons vite compris que ce n’était pas possible pour nous ! Nous avons donc décidé de parcourir la France pour trouver le lieu qui nous convenait et au bout d’un an de recherches – et un certain de nombres de visites dans toute la partie Sud –, cette maison a été un vrai coup de cœur. Le projet était très ambitieux. Nous avons emménagé dans le village et fait des travaux pour repenser tout le corps de ferme pendant deux ans en s’y consacrant à temps plein.

Carla

En fait, nous avons signé sans même visiter tellement le terrain avec son arbre de Judée en fleurs nous a séduits ! Le challenge était également humain. Même si le Gers est une région particulièrement chaleureuse et accueillante, se faire connaître en tant qu’artistes n’était pas évident ! C’est de là qu’est né le Studio Nomade, un projet au long cours pour aller à la rencontre des gens, et réaliser des « Portraits de Famille » au sens large. Le paradoxe est que le projet a mieux fonctionné auprès de notre réseau parisien au départ ! Maintenant, nous sommes présents auprès des institutions et des festivals du département à Lectoure, Marciac ou encore Auch, pour une action culturelle et sociale bien au-delà de nos espérances.

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Couloir avec canapé dans la maison de Carla Talopp dans le Gers
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Couloir avec canapé dans la maison de Carla Talopp dans le Gers
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Couloir avec canapé dans la maison de Carla Talopp dans le Gers
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TSF

Cette bâtisse abrite également votre atelier. Quels étaient vos critères pour cette pièce de travail ?

Carla

J’avais la chance d’avoir un très bel atelier d’artiste dans le XIVe à Paris. Nous avons donc dessiné ici une verrière à l’identique en rehaussant l’ancienne étable jouxtant le pigeonnier. Il me faut traverser mon jardin pour me rendre dans mon lieu de travail ! Un délice à chaque saison, même dans la boue (rires). Mais cet espace a changé ma manière de travailler. J’ai consacré un grand mur à mes formats de toiles XXL auxquels je me consacre essentiellement depuis notre installation gersoise. La vue est dégagée vers l’horizon, et mon regard peut s’y perdre entre les couches de peinture. C’est mon temple sacré (les enfants sont obligés de frapper s’ils veulent venir dessiner !) Ma « chambre à soi » ô combien nécessaire dans la vie d’artiste !

TSF

Comment abordez-vous l’utilisation de la couleur dans votre foyer comme dans votre vie professionnelle ?

Carla

La couleur est mon langage. C’est avant tout par elle que je m’exprime. Quand je m’habille le matin sans réfléchir, je suis toujours étonnée de comprendre que j’avais besoin de porter telle et telle couleur pour travailler sur ma toile en cours, ou en démarrer une nouvelle. En général, je suis habillée comme ma peinture ! C’est d’ailleurs ce qui nous amuse beaucoup dans le cadre des « Portraits de Famille » avec le Studio Nomade : l’effet caméléon des personnages photographiés devant les toiles XXL, comme immergés dedans. J’ai le rêve de faire des imprimés à partir de ces tableaux afin d’habiller nos modèles et les faire poser avec ! Dans la maison, nous avons choisi tous les matériaux au plus proche des ressources naturelles de la région, en utilisant les pigments locaux pour colorer la chaux sur les murs. J’ai beaucoup utilisé ces nouvelles teintes dans mes peintures, en tentant même de les fabriquer avec ces mêmes pigments.

TSF

La nature semble avoir une place très importante dans votre vie. Quel lien avez-vous noué avec elle ?

Thomas

Mon travail personnel est essentiellement basé sur le rapport de l’Homme et de la nature : je me mets à nu dans celle-ci, nous y posons en famille (nus aussi !) C’était une contradiction pour moi de vivre en ville. Certains de mes voyages – notamment en Chine, en Inde et au Brésil – à voir les humains obligés de s’entasser dans les mégapoles m’ont bouleversé et ont déclenché une prise de conscience. Même si j’ai besoin de la ville et que j’adore Paris – c’est là que sont mes proches, mes amis et mon travail parfois –, y vivre au quotidien m’était devenu incohérent.

Carla

La nature, c’est comme l’enfance : elle fait partie de moi, je fais partie d’elle. Elle est ma joie, mon équilibre, ma respiration. Je collectionne depuis toujours des coquillages et des pierres pour m’y sentir reliée une fois de retour dans ma chambre. J’ai constitué des herbiers et des carnets de voyage. Rien ne me réjouit plus que de me réveiller à l’aube en pleine nature après une nuit de bivouac. C’est une sensation unique, celle de ne faire qu’un avec les éléments. J’ai tendance à être très éthérée et à beaucoup trop réfléchir, aussi ai-je besoin de racines, de soleil, de terre, de pluie d’étoiles, de fleurs et de lianes. C’est ce qui donne du sens à ma vie, et j’essaie de retranscrire ce sens et cette poésie dans mes peintures, qui sont l’expression d’une nature sublimée en moi.

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Mon travail personnel est essentiellement basé sur le rapport de l’Homme et de la nature : je me mets à nu dans celle-ci (...)

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Chambre parentale avec tapis berbère chez Carla Talopp dans le Gers
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Chambre parentale avec tapis berbère chez Carla Talopp dans le Gers
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Chambre parentale avec tapis berbère chez Carla Talopp dans le Gers

TSF

De nombreux voyages ont nourri votre identité visuelle. Quels souvenirs pouvons-nous retrouver dans votre maison ?

Thomas

Ça, c’est un savant mélange dont Carla est experte ! Nous chinons, récupérons, troquons, fabriquons, rapportons des éléments de nature sans cesse ; qu’il s’agisse de roches, de plumes, de feuilles, de bois flottés, rejoints par quelques tapis et de gros coussins tunisiens, de tables et de vanneries marocaines. Au milieu, nous produisons nos propres décors.

Carla

Les tissus ramenés de chaque continent ont une aussi grande importance. J’en mets un peu partout dans la maison : sur les canapés, en guise de rideaux, en jeté de lit… et je les change à chaque saison en fonction de mon humeur !

TSF

Nombreuses sont les pièces artisanales qui jalonnent vos pièces à vivre. Avez-vous une création que vous affectionnez particulièrement ?

Thomas

Nous avons beaucoup fait travailler, ou fait des échanges, avec des artisans locaux qui ont façonné sur mesure plusieurs éléments comme la table-bar de la cuisine ou la verrière de l’atelier. Ferronnier, menuisier, carreleur, peintre, expert en béton ciré : chaque échange a été important pour la maison. J’ai observé leurs gestes et en ai appris beaucoup. Aujourd’hui, c’est moi qui fais mes murs à la chaux, mes murets en pierre, ma terrasse en bois…

Carla

C’est vrai que Thomas a presque tout fait dans cette maison et je l’admire beaucoup pour cela ! En ce qui concerne les pièces qui jalonnent les espaces, j’avoue que j’aime autant mes paniers en osier que les carreaux de ciment chinés qui tapissent le couloir. J’ai eu à cœur de réaliser des bols et tasses en céramique pour notre vaisselle quotidienne et cela représente aussi un certain art de vivre. Maintenant je ne peux plus boire dans n’importe quelle tasse. Je vais toujours observer comment elles sont confectionnées, si elles sont faites à la main ou industrielles, quelles terres et quels pigments ont servi. La frontière est ténue entre l’art et l’artisanat.

TSF

Où vous retrouverons-nous dans les prochains mois ?

Thomas

Rendez-vous avec le Studio Nomade les 11 et 12 décembre prochains à Paris ! En septembre à Saint-Macaire près de Bordeaux, et en octobre dans le Gers toujours pour les « Portraits de famille ».

Carla

J’ai une exposition en cours au Château de Herrebouc, un domaine vignoble dans le Gers qui m’a également passé commande d’une fresque panoramique pour le bar de dégustation. Une autre aura lieu en décembre à la Manufacture royale de Lectoure – toujours dans le Gers –, récemment rénovée. Nous avons par ailleurs le projet de repartir sur les routes avec nos deux garçons pour une résidence de trois mois en Amérique du Sud afin de continuer nos séries respectives, et de s’inspirer de nouvelles jungles !

Verrière avec plantes vertes chez Carla Talopp dans le Gers
Verrière avec plantes vertes chez Carla Talopp dans le Gers
Verrière avec plantes vertes chez Carla Talopp dans le Gers

J’avais la chance d’avoir un très bel atelier d’artiste dans le XIVe à Paris. Nous avons donc dessiné ici une verrière à l’identique en rehaussant l’ancienne étable jouxtant le pigeonnier.

Atelier chez Carla Talopp dans le Gers
Atelier chez Carla Talopp dans le Gers
Atelier chez Carla Talopp dans le Gers
Atelier chez Carla Talopp dans le Gers
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Atelier chez Carla Talopp dans le Gers
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