Inspiration

Becquetance, becquées canailles

Certains aiment à picorer entre copains, d’autres diront que cela relève du grignotage ! Pour Vincent Bielhy et Anastasia Rohaut, il n’y a rien de mieux que la « becquée » pour saisir ce que les moments entre amis offrent de meilleur autour d’une table. Une culture de la bonne bouffe qu’il leur démangeait de représenter dans leur bistrot parisien baptisé du néologisme « Becquetance ». Jeu de mots enjoué qui incarne à la perfection leur amour de la langue. Une langue qui rit, se délie et déguste. C’est dans leur local aux volumes intimistes repensé en famille – de la réhabilitation au gros œuvre – que le duo ne déroge pas à la règle, bien au contraire, de la promiscuité et de la camaraderie des adresses typiques de la butte de Ménilmontant. À la fois « honnête, sans chichi et généreuse », la cuisine de la cheffe fusionne avec le goût sûr de son coéquipier pour la sélection bio de crus « éclectiques et sérieux ». Le mariage sincère d’une envie de simplicité commune pour un restaurant « exigeant mais simple d’accès ». Car, ici, il n’est pas question de théoriser sa cuisine. On n’intellectualise pas, on suit son instinct et on reprend les codes traditionnels pour les détourner « en (leur) associant un ou plusieurs éléments issus d’autres cultures culinaires ». Un réel goût du mélange, du métissage, qui se traduit jusqu’à l’enveloppe même du 67 rue de Ménilmontant. L’ancien, à l’image du trash wall – véritable vestige de la vie passée du lieu –, côtoie les créations en céramique vibrantes de l’atelier Zoug Zoug ou encore les luminaires graphiques de Clément Jacq. L’ensemble formant un cadre propice où se rejoindre entre canailles pour (re)découvrir avec plaisir des plats de saison qui ont de l’esprit, comme leurs propriétaires !

Restaurant Becquetance, 67 Rue de Ménilmontant, 75020 Paris. Ouvert du lundi au vendredi de 12h à 15h et de 19h00 à 00h00. Réservation au 01 40 30 22 97.

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Juliette Bruneau

Photographies et Vidéos

Jeanne Perrotte

TSF

Anastasia et Vincent, pouvez-vous vous présenter ?

Anastasia

Anastasia, 33 ans, cheffe du restaurant Becquetance.

Vincent

Vincent, 34 ans. Je m’occupe de la salle et du vin chez Becquetance.

TSF

Quel est votre parcours ?

Vincent

Après diverses tentatives d’études infructueuses et non poussées, je me suis pris au jeu du monde de la restauration. Mes faits d’armes se résument surtout à une grosse expérience dans un établissement du canal Saint-Martin (La Marine) et deux-trois autres spots.

Anastasia

Mon parcours universitaire m’oriente plutôt vers l’architecture. Pratique que j’exerce durant trois ans au sein du collectif Saga à la suite de mon diplôme au cours de projets de construction d’équipements dans le township de Joe Slovo, Port Elizabeth, en Afrique du Sud. Je cuisine déjà beaucoup à l’époque, notamment pour financer une partie du projet par le biais de dîners de levées de fonds. Quand je décide de rentrer en France, je commence un CAP par correspondance et j’ai la chance de décrocher un poste de commis au Bistrot Paul Bert, qui est une superbe école. J’y reste une année et demie et me vois ensuite proposer un poste de cheffe seule en cuisine dans une cantine du Sentier La Pince à Cornichons. J’y reste encore une fois un an et demi. Ensuite, le covid, un bref contrat de second et le montage du projet avec Vincent.

TSF

Pourquoi avez-vous décidé de vous associer tous les deux ?

Vincent

Nous nous sommes rencontrés via nos conjoints respectifs, tous les deux architectes. Ils travaillaient à cette époque dans la même agence. Anastasia tenait la cuisine d’un petit bistrot vers Bourse, et nous cherchions, l’un comme l’autre, à monter quelque chose qui nous ressemblait. Les contours étaient très flous à l’époque. Nous avons appris à nous connaître en discutant de ce qui nous animait en matière de bouffe et de vin, et en faisant appel à nos expériences respectives. Pour ma part, j’ai trouvé la cuisine d’Anastasia à la fois traditionnelle et généreuse avec cette pointe de créativité permettant de ne pas s’ennuyer dans l’assiette. Délicieuse, ça, je n’ai pas besoin de le préciser.

Anastasia

Nos profils complémentaires nous sont apparus comme un atout évident. J’adore le vin, je suis très douée pour l’apprécier, mais je serais bien incapable de retenir toutes ces informations sur les différentes cuvées sans me mélanger les pinceaux. Nous nous sommes retrouvés sur la notion de bistrot, un lieu de quartier accueillant où l’on mange chaque jour des plats de saison différents préparés sans chichi mais avec beaucoup d’attention.

Nous nous sommes retrouvés sur la notion de bistrot, un lieu de quartier accueillant où l’on mange chaque jour des plats de saison différents préparés sans chichi mais avec beaucoup d’attention.

TSF

Quelle est la volonté de Becquetance en termes d’offre ?

Vincent

L’idée était d’ouvrir un bistrot accessible avec des produits de qualité et locaux. Un restaurant exigeant mais simple d’accès. La cuisine d’Anastasia s’y prête très bien. Côté vins, uniquement du vin nature. Une sélection qui se veut à la fois éclectique et sérieuse.

TSF

Pourquoi avoir choisi un local aux volumes exigus pour y investir votre adresse ?

Vincent

Lors de notre première visite du local, il fallait vraiment s’y projeter car il n’y avait rien à l’intérieur. Tout était dans un piteux état mais nous sentions que nous pouvions en faire quelque chose de bien. Nous voulions un petit lieu, car nous y retrouvons un esprit de proximité et de camaraderie. Petit lieu, aussi, car nous sommes une petite équipe. Notre camarade Hugo Marchal nous a rejoints en cuisine pour le service du soir. Petit lieu, enfin, car nos finances pour monter cet endroit étaient limitées.

TSF

Pourquoi avoir choisi ce nom pour votre bistrot ?

Anastasia

Ce nom trottait déjà dans la tête de Vincent depuis un moment je crois. Nous partageons un goût certain pour la langue française et ses différents niveaux de langage. Le terme « becquetance » signifie bouffe, nourriture en argot, dialecte plus qu’approuvé à la butte de Ménilmontant. Nous souhaitions un mot qui évoque la simplicité et la convivialité, tout en montrant notre côté canaille. L’idée d’une bouffe, dans l’honnêteté et la qualité des produits, sans chichi surtout.

TSF

Anastasia, comment avez-vous tiré parti de votre ancienne profession d’architecte pour ce projet ?

Anastasia

Cela a évidemment servi à la conception du lieu, que nous avons réfléchi avec nos conjoints respectifs, Amandine Paty (Brenac & Gonzalez) et Yannis Frémont Marinopoulos (Parages. Architectes), tous deux architectes également. Ensuite, mon expérience d’architecte ayant comporté une grande part de chantiers, cela m’a été très utile dans le suivi du projet du restaurant. Nous avons également réalisé une partie des travaux avec mon père et mon frère, Anthony Rohaut, artisan carreleur-mosaïste installé dans la Creuse.

Nous partageons un goût certain pour la langue française et ses différents niveaux de langage. Le terme « becquetance » signifie bouffe, nourriture en argot, dialecte plus qu’approuvé à la butte de Ménilmontant.

TSF

Quels matériaux avez-vous privilégiés ici, et pourquoi ?

Vincent

Il fallait de la chaleur dans ce petit lieu. Le bois nous a paru évident pour en apporter. Le chêne s’y prête tout à fait. Des menuiseries du bar en passant par la verrière de la cuisine, la devanture, les escaliers. Il nous semblait important de constituer un ensemble cohérent, le reste étant composé de matières brutes déjà présentes (béton et pierre pour le sous-sol). Pour réaliser ce sol, nous nous sommes inspirés du travail de l’architecte Carlo Scarpa dans plusieurs de ses réalisations.

Anastasia

L’idée de départ était de créer une mosaïque irrégulière mais tramée. Le marbre vert profond incrusté dans le béton ciré apporte une touche à la fois brute et sophistiquée. Quant au trash wall, nous souhaitions garder un vestige de l’ancien local dans la salle où nous accueillons les clients. Il fonctionne comme une toile au mur. Nous l’avons laissé tel quel, les inscriptions d’anciens chantiers y sont toujours.

TSF

Avec quels artisans avez-vous collaboré pour la décoration de votre adresse ?

Vincent

Les travaux ont été en grande partie exécutés par l’entreprise Costaud Rénovation. La ligne de vaisselle a été créée par Charlotte Auroux de l’atelier Zoug Zoug (Gambetta). Le service à café a été confectionné par Emmanuelle Angot, dont l’atelier se trouve plus haut dans la rue de Ménilmontant. Les ouvrages en chêne ont été produits par l’équipe d’Agecop. Enfin, les luminaires au mur ont été dessinés et fabriqués par notre ami commun Clément Jacq.

Anastasia

Certains éléments ont été réalisés en famille. Tous les ouvrages en carrelage et marbre par mon frère et mon père, les coussins des banquettes par ma maman. Les pieds des tables étaient déjà dans le restaurant. Nous avons aussi fait réaliser les plateaux chez Placages André. Pour ce qui des chaises, elles nous viennent en grande partie de la très belle collection du Cartel de Belleville.

TSF

Comment définiriez-vous votre cuisine ?

Anastasia

C’est sans doute la question la plus difficile pour moi car je ne théorise pas du tout ma cuisine. Mes plats et mes menus sont surtout conçus à l’instinct avec la saison et ce qu’elle nous offre comme produits pour servir de base. J’aime partir du principe que des choses qui poussent au même moment doivent pouvoir s’accorder d’une certaine manière au moins, d’une centaine de manières même. Je travaille en étroite collaboration avec les producteurs et fournisseurs dont la qualité du travail est une base primordiale. Jean-Luc Larcade, des Petites Fermes, a toute ma confiance depuis des années maintenant. Nous travaillons depuis le début avec les magnifiques légumes de la ferme Les Trois Parcelles, Tom Saveurs et le Bateau de Thibault nous fournissent en produits de la mer. Les crèmes et le fromage blanc délicieux de la Maison Borniambuc sont également des alliés de taille. Sans oublier nos amis du quartier, Benoît Castel pour le pain, et Crème pour le fromage. Outre ce travail sur le choix des produits de saison, la base de ma cuisine est la cuisine de bistrot traditionnelle, parfois même clairement la cuisine de grand-mère. J’adore cette cuisine honnête, sans chichi et généreuse. J’aime particulièrement détourner l’imaginaire d’un plat en lui associant un ou plusieurs éléments issus d’autres cultures culinaires. Le métissage en cuisine est quelque chose d’assez central dans ce que j’apprécie de faire.

TSF

Quel plat faut-il absolument goûter quand on vient chez vous ?

Anastasia & Vincent

Le menu change très souvent, plusieurs fois par semaine, et certains plats sont des one shot. Je travaille beaucoup à l’instinct, il est donc rare de manger deux fois exactement la même chose chez Becquetance. Toutefois, quelques plats reviennent régulièrement et plaisent beaucoup : La terrine de campagne, le saumon gravelax et riz gluant, la saucisse et sa purée du lundi midi, ou encore le bao au boudin noir fumé, le fondant chocolat-sarrasin et le fromage blanc brûlé pistache-fleur d’oranger. Les menus du midi et du soir sont publiés chaque jour en story sur Instagram.

TSF

Vous avez une très belle cave. D’où vous vient cet amour du vin ? Que retrouve-t-on dans celle-ci ?

Anastasia & Vincent

Le goût pour le vin et surtout pour le vin nature est venu petit à petit. J’ai été converti après une jolie gifle lors d’une dégustation d’une bouteille de Michel Guignier, la Petite Oseille. Je ne suis pas spécialement un buveur de vin à la base. Je me suis pris de passion pour ça car les vins goûtaient différemment de ce que j’avais pu entrevoir du vin « conventionnel » – à savoir des vins que l’on buvait, plus jeune, quand on était en soirée, ou bien avec la famille quand il y avait des bouteilles de qualité moyenne à table. Nous avons pris un peu de temps pour constituer cette cave. Pour parler d’esprit, nous souhaitons que le vin dans notre restaurant reste un truc de copains, certes de qualité, mais avant tout rassembleur. Vous pourrez boire chez nous autant des vins de jeunes vignerons talentueux tels Lambert Spielmann ou Corentin Houillon, que ceux de vignerons plus aguerris comme Gérald et Jocelyne Oustric et Patrick Meyer, ou encore des vins géorgiens que nous partageons avec la cave Supra à Belleville.

TSF

Votre bistrot se situe dans le XXe arrondissement. Pourquoi avoir choisi ce quartier ?

Anastasia & Vincent

Nous voulions nous installer dans le XXe car nous y passons le plus clair de notre temps. Nous nous y sentons bien et souhaitions monter une cantine dans un coin où nous avons nos habitudes. Ménilmontant reste un quartier avec une vraie mixité sociale et une bienveillance entretenue par les habitants, les commerçants, le milieu associatif…

TSF

Où vous retrouverons-nous dans les prochains mois ?

Anastasia & Vincent

Nous serons chez Becquetance du lundi au vendredi de toute évidence ! Nous fermons en août pour revenir en pleine forme à la rentrée.

Le menu change très souvent, plusieurs fois par semaine, et certains plats sont des one shot. Je travaille beaucoup à l’instinct, il est donc rare de manger deux fois exactement la même chose chez Becquetance.

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