Famille

L'intérieur théâtral de la cofondatrice d'Etttore et du chanteur de Feu! Chatterton

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Chez

Mégane Servadio et Arthur Teboul

Elle est décoratrice-ensemblière, co-fondatrice d’Etttore. Il est le chanteur-poète du très élégant groupe Feu! Chatterton. Ensemble, Mégane Servadio et Arthur Teboul vivent un petit appartement baigné par la lumière faisant face aux arbres du Père Lachaise. Un retour aux sources dans l’arrondissement qui a vu évoluer le Parisien, un premier chantier pour celle qui a grandi avec Loris, son frère, à Montmartre. Dans cette boîte blanche aux lignes 1950 adoucies par le fondateur du studio Servadio, le duo a uni ses talents – l’architecture et la décoration –  en s’amusant à tout imaginer dans le souci de « ne pas seulement faire du beau (…), mais plutôt penser à faire quelque chose de juste et de vrai, car c’est à ce moment que la magie de la beauté peut arriver ». Ici, celle d’un univers révélant une affinité certaine avec le spectacle où chaque pièce, chaque couleur est arrivée en superposition d’une précédente. Un système de calques décoratifs que l’ancienne cheffe décoratrice – ayant fait ses armes à la création de décors de films, de clips et de théâtre – mêle avec humour et fantaisie à des objets dont elle dénature l’utilisation première. En témoignent « la poubelle de la salle de bains, en réalité seau à champagne des années 1970 en argent (rires) et la boîte à bijoux qui est un beurrier en argent en forme de coquillage ». Comme pour se laisser surprendre, s’amuser, encore, à la manière des « trompe-l’œil de Christian Bérard ». Des références qui montrent à quel point l’intérieur, selon cette admiratrice de l’architecte décorateur Roberto Baciocchi, doit être avant tout vecteur d’émotion. Peu importe les inspirations, même si celles que l’on ressent instantanément chez le couple sont intimement liées à son amour du baroque, à « l’emphase, le triomphe, le théâtre de la mise en scène, le sensuel et l’exubérance qui lui sont propres ». Rencontre avec des inventeurs de mondes, qu’ils soient visuels ou textuels.

Lieu

Paris

texte

Caroline Balvay

Photographies

Constance Gennari

TSF

Mégane, Arthur : racontez-nous l’histoire de votre quartier et le choix de cet appartement.

Arthur

Nous voulions, avant tout, vivre dans un appartement lumineux. Les arbres du Père Lachaise, visibles depuis le salon et la cuisine, sont les premiers que nous admirons le matin.

Mégane

Emplacement royal ! Il faut savoir que la station de métro Philippe Auguste est la seule de Paris à porter le nom d’un roi de France (rires).

TSF

Parlez-nous de votre éducation. Dans quel cadre avez-vous grandi – et par conséquent développé votre goût ?

Mégane

J’ai grandi à Montmartre avec Loris, mon frère et aujourd’hui mon associé, dans un appartement soigneusement décoré par nos parents. Enfant, je me rappelle avoir pensé que certains meubles n’allaient pas ensemble, certaines couleurs non plus. Aujourd’hui, c’est pourtant ce qui me plaît et m’excite dans mon travail : être sur le fil entre le bon et le mauvais goût. De toute façon, je crois que la beauté flirte avec la dissonance. Arthur a grandi dans le XXe, où nous vivons aujourd’hui. Après avoir vagabondé à droite à gauche, il revient finalement sur ses pas.

TSF

Comment vous définiriez-vous dans votre travail ?

Mégane

Je suis décoratrice-ensemblière. C’est un métier de composition et d’assemblage, qui me permet d’inventer des mondes. C’est quand même fantastique de donner naissance à un intérieur en créant des ambiances et des univers visuels par les formes et les matières. Ce qui me plaît, sur le plan créatif, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de faire du beau. Je crois qu’il faut plutôt penser à faire quelque chose de juste et de vrai. C’est à ce moment que la magie de la beauté peut arriver ! Sur le plan technique, j’aime penser le décor avec et pour le client. Son histoire et sa personnalité sont nos matières premières. Elles sont une source d’inspiration différente sur chaque chantier. Aussi, c’est un métier où l’on peut tout imaginer : du chemin en pierres taillées dans le jardin jusqu’à la petite cuillère dans la tasse en albâtre. Et si c’est imaginable, c’est réalisable !

Arthur

Je suis chanteur dans un groupe de musique, que j’ai fondé il y a 10 ans. Nous travaillons parfois ensemble et nous sommes d’ailleurs rencontrés sur le tournage d’un de mes clips pour lequel Mégane réalisait le décor (cf. L’Oiseau – Feu! Chatterton) !

TSF

Nous sommes dans un appartement où vous vivez à deux, Arthur et vous. Comment en avez-vous pensé la décoration en travaillant à quatre mains avec ton frère ?

Mégane

Lorsque Loris et moi avons lancé Servadio, notre studio d’architecture et de décoration d’intérieur, nous avons aimé l’idée que notre premier chantier serait mon appartement. Nous l’avons pensé comme un espace neutre, blanc, épuré, qui nous laisserait la liberté d’apporter des couleurs, pièce par pièce, couche après couche, mois après mois. Le temps est essentiel dans l’investissement et l’habitation d’un intérieur. Je voulais un terrain neutre, simple, et bien fait. Après quoi, les teintes chaleureuses de rouge orangé, de bleu turquoise, de vert anglais et de noir jais sont venues se mélanger.

Loris

Structurellement, les formes sont relativement sobres. Nous avons arrondi certaines ouvertures pour adoucir les lignes parfois trop sévères, propres aux appartements des années 1950.

TSF

Vous travaillez avec votre frère aujourd’hui. Comment vous répartissez-vous les rôles ?

Mégane & Loris

Pour chacun de nos projets d’architecture d’intérieur, nous travaillons en duo. Toutes les décisions sont prises ensemble. Si nous faisons d’abord nos travaux de recherche main dans la main (formes, couleurs…), Loris – architecte HMONP – s’occupe davantage de la phase archi, sur le chantier, et moi de la phase sourcing, pour chiner le mobilier et lui trouver sa place dans l’espace. C’est d’ailleurs un vaste sujet, ça : la place d’un objet dans l’espace (rires) ! Je crois qu’il y a la place exacte de l’objet : une fois qu’il a trouvé sa place, il est difficile de la lui enlever. C’est comme s’il avait toujours été là. De façon plus générale, nous aimons créer un tout, un ensemble, un décor total. Disons que Loris crée la bulle et que je la remplis. Comme une partition, je trouve qu’un décor, en tant que totalité organisée, s’accueille ou se rejette en bloc.

TSF

Pour chez vous, quelles ont été vos inspirations ?

Mégane

Je crois que l’inspiration ne se dit/choisit pas. Elle se révèle plutôt dans la création. Étant ma propre cliente, je ne me suis justement pas donné de ligne directrice. J’ai préféré me laisser aller dans l’espace vierge. Je suis arrivée dans l’appart avec l’œil le plus libre possible et, au fur et à mesure, je me suis rendu compte de ce que je devais aux courants – aussi différents soient-ils – et aux créateurs qui m’habitent et dont je suis imprégnée. Je peux tout de même dire que mon univers est relativement baroque. J’aime l’emphase, le triomphe, le théâtre de la mise en scène, le sensuel et l’exubérance qui lui sont propres ! J’aime que le décor soit « un grand sentiment dramatique » (ndlr Louis Jouvet) ! Nous pouvons d’ailleurs le décoder assez facilement dans la décoration du Palace, que j’ai imaginée en 2019 à l’occasion de la réouverture du club mythique des années 1980. J’aime aussi m’attarder sur les détails, y insérer de la fantaisie, de l’humour. Ils sont comme les indices d’une énigme. Laquelle ? Aucune idée, mais ils me font rêver ! J’adore dénaturer les objets et leur donner d’autres fonctions que celle qu’on leur a toujours attribuée et pour laquelle ils ont été créés : dans ma salle de bains, la poubelle est un seau à champagne des années 1970 en argent (rires) et la boîte à bijoux est un beurrier en argent en forme de coquillage. Aussi, j’ai voulu rendre chaque pièce singulière : bleu et jaune, la salle de bains me projette à la mer, sur le sable, et les toilettes – tel un antre – sont habillées d’une fresque abstraite de l’artiste plasticienne Inês Zenha, du sol au plafond. J’aime toujours être amusée, comme devant les trompe-l’œil de Christian Bérard (il en a réalisé pas mal pour les mises en scène de Jouvet, au Théâtre de l’Athénée) ou dans la chambre d’enfants de Jean Royère avec l’échelle centrale pour accéder à la mezzanine flottante, qui est une salle de jeux ! De façon plus générale, j’aime qu’un intérieur soit hybride et qu’il crée la surprise. Peu importe son univers et ses inspirations finalement, du moment qu’il procure une émotion. Je me retrouve aussi parfaitement dans les univers étonnamment démeublés, presque trop ordonnés, de Jean-Michel Frank qui a dit : « Jetez, jetez toujours. La dernière élégance, c’est l’élimination. »

J’adore cuisiner et dresser de grandes tables ! C’est peut-être pour ces raisons que j’aime autant l’argenterie. Ce qui me plaît, plus précisément, c’est la qualité monofonctionnelle de chaque pièce renfermée dans une ménagère.

TSF

Qu’est-ce qui vous inspire dans votre métier ? Quel a été votre parcours ?

Mégane

Lors de mon passage chez Christie’s, j’ai développé mon goût prononcé pour la pensée de W. Morris, le travail de J. Hoffmann et les Arts décoratifs. Je me suis ensuite intéressée à la création contemporaine en travaillant aux côtés de Francesco Pirrello, fondateur de 1000 Vases. C’est à cette période que j’ai rencontré Roberto Baciocchi, architecte décorateur, avec lequel j’ai longuement échangé sur les concepts d’espace, d’ambiance, de décor et de décoratif. J’aime profondément son œil, sa sensibilité et sa curiosité exacerbées. Puis, mon affinité avec le spectacle, le grandiose et le dramatique (!) m’a ensuite amenée à créer des décors de films, de clips, de théâtre. J’aime la mise en scène efficace et parfaitement étudiée de Bernard Evin dans Le Bel Indifférent (Jacques Demy – 1957), les lignes majestueuses de l’architecture d’avant-guerre dessinées par Osvaldo Desideri dans Le Conformiste de Bertolucci, ou encore le décor vertigineusement intelligent des villes basse et haute, dans Metropolis (Fritz Lang – 1927). Aujourd’hui, le travail – aussi spectaculaire qu’intimiste – d’Emmanuel Clolus, scénographe de Wajdi Mouawad, m’inspire beaucoup pour mes intérieurs.

TSF

Est-ce qu’Arthur vous laisse carte blanche dans le choix des pièces que vous trouvez pour la maison ?

Mégane

(Rires) À vrai dire, il n’a pas d’autre choix que celui-ci !

TSF

Quelle serait la pièce de vos rêves les plus fous pour chez vous ?

Mégane

J’aime les pièces de Koloman Moser et Joseff Hoffmann, notamment leur chaise moderniste à accoudoirs et assise damier, réalisée pour le hall du sanatorium de Purkersdorf, en Autriche mais aussi leur fauteuil Art nouveau de la Sécession viennoise, en bois et marqueterie. Il combine la fonctionnalité et la simplicité de la production artisanale avec des matériaux si nobles et sophistiqués qu’ils me feraient pleurer (rires). Je pense aussi à un paravent en bois à trois feuilles au décor de personnages, bordé de baguettes moulurées et sculptées dorées, dessiné par Christian Bérard. Plus sculptural, j’ai toujours été amusée par le fauteuil feuille Gunnera de Kim Moltzer avec son assise en bronze représentant une feuille géante qui repose sur cinq tiges ! Dernière pour la route : la chaise Pi de Martin Szekely dessinée en 1984 pour Néotu.

TSF

Et celle que vous affectionnez le plus ?

Mégane

J’adore cuisiner et dresser de grandes tables. C’est peut-être pour ces raisons que j’aime autant l’argenterie. Ce qui me plaît, plus précisément, c’est la qualité monofonctionnelle – à l’usage extrêmement précis – de chaque pièce renfermée dans une ménagère. Les objets sont limités à leur fonction unique, combinant le beau et l’utile : le coupe-papier, la cuillère à fraises, celle à absinthe, la saupoudreuse, etc.

TSF

Où vous retrouverons-nous dans les prochains mois ?

Mégane

En ce qui concerne Servadio Studio, sur les chantiers d’une maison dans le Sud et d’un hôtel ! À côté de nos projets collaboratifs, nous aimons aussi nous laisser la liberté de travailler sur des projets séparément. C’est toujours très enrichissant. Loris collabore actuellement avec son amie architecte Rachel Gabrielli Cohen sur la rénovation et l’extension d’une maison de maître à Versailles. Et moi, je termine un projet d’ameublement et de décoration pour un appartement dans le Marais, avec mon acolyte Stéphanie Darmon. Pour Feu! Chatterton, rendez-vous au Zénith de Paris le 14 avril prochain.

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