Famille

L'appartement monde du fondateur du bazar d’alger

Chez

Arnold d’Alger et Bruno Della Mattia

Ce n’est pas qu’une impression. L’univers d’Arnold d’Alger est aussi bavard que lui ! Nous ne serions d’ailleurs pas surpris si tout ce petit monde, plantes comprises, se mettait à nous parler. Vous le comprendrez certainement en parcourant ce reportage, l’intérieur du créateur du bazar d’alger et de son compagnon Bruno Della Mattia est vivant. Non pas qu’il le soit réellement (le fauteuil Josef Zotti ne s’est pas précipité vers nous pour nous accueillir comme le ferait un golden retriever), mais il a cela de fascinant qu’il nous fait immédiatement ressentir quelque chose. Chaque détail de cet ancien atelier acquis sur le fil recèle une histoire. En commençant par les créations d’Arnold himself qui s’accumulent dans un joyeux désordre jusqu’à créer de délicates et fragiles sculptures aux motifs lumineux. Ces décors sur porcelaine constituent le début d’une nouvelle aventure qu’on lui souhaite étourdissante. Doté d’une curiosité sans bornes doublée d’un coup de pinceau facétieux, l’artiste s’investit corps et âme – depuis une année seulement – dans ce projet d’upcycling et de personnalisation qui pare d’or ou de platine de la vaisselle ancienne chinée, ou confiée par ses clients. Un travail minutieux, dicté par ses envies mais aussi par les leurs. Le sur-mesure est au cœur du bazar d’alger. Amoureux d’une foule de choses, mais ayant surtout un goût infini pour les rencontres, Arnold envisage la personnalisation comme une « porte d’accès facile à l’intimité de sa clientèle ». Celle dont il manquait cruellement dans sa précédente carrière de graphiste. Désormais gardien de certains de leurs souvenirs – sa « matière première » –, le Parisien s’est donné pour mission de les retranscrire. Une exploration qui l’amène à s’essayer à de nouveaux supports, qu’il s’agisse de carrelage ou de peinture sur soie. D’ailleurs, certaines de ses réalisations trônent déjà au cœur de sa petite communauté. Entre le four en céramique prêté par une amie, le mobilier familial, celui acquis sur leboncoin ou sur le stand d’un ami, la production artistique d’autres talents… Nous vous disions en préambule que cet intérieur était bavard. Mais ce que nous avions omis de vous préciser, c’est qu’il nous le faisait devenir aussi !

Lieu

Paris

texte

Caroline Balvay

Photographies

Valerio Geraci

TSF

Arnold, Bruno : pouvez-vous vous présenter ?

Arnold

Je m’appelle Arnold d’Alger, fils de Brigitte et de Gérard, frère de Cécile. Dans les grandes lignes, je dirais que je suis un artiste toujours avide de nouvelles rencontres, un amoureux de la nature, du bon vivre, de mes amis, du partage, de Bruno, d’art, de brocante, de mon travail et de trop de belles choses pour vous en faire une liste exhaustive ! Actuellement, je suis complètement investi dans la création récente du bazar d’alger. Le mieux pour me connaître, c’est encore de se mettre à table !

Bruno

Je suis amateur de musique depuis toujours, on peut également me retrouver à mes heures perdues derrière les platines avec mes amies de Tristesse et Scandale ou avec mes écouteurs vissés aux oreilles à sélectionner des titres pour nos playlists mensuelles. Je partage avec Arnold une passion (un peu débordante) pour les plantes et les succulentes dont nous agrandissons assez régulièrement la collection. Je fais partie des gens qui veulent un chien et qui en suivent sur Instagram (Salut à toi, mon cher noodle). Je lis également beaucoup de romans, comme La chaleur de Victor Jestin ou Demande à la poussière de John Fante mais aussi de la BD, notamment autour du Japon ou des œuvres d’auteurs japonais (La cantine de minuit de Yarō Abe, Chiisakobé de Minetarō Mochizuki, les livres de Ryōko Sekiguchi). J’espère que nous aurons l’occasion de nous y rendre un jour aussi bien pour la gastronomie (autre passion commune avec Arnold) que pour l’art, la culture et le saké !

TSF

Quels sont vos parcours respectifs ?

Arnold

Je suis graphiste de formation et j’ai lancé le bazar d’alger en décembre 2019. Attention cliché, « Arnold en avait marre de l’écran et avait besoin d’un retour à la matière ». On le lit beaucoup en ce moment mais c’est aussi simple que ça. Alors, il y a deux ans, je me suis inscrit à des cours de décor sur porcelaine et de peinture sur soie via Paris Ateliers que j’ai doublés avec un an de poterie chez Sandrine de Poterie et Compagnie à côté de chez moi. La totale. C’est pour ces ateliers de décor sur porcelaine qu’il m’était demandé d’apporter ma propre vaisselle pour travailler. Alors, au lieu d’en acheter de la neuve, j’ai préféré aller sur leboncoin. C’est un accès direct aux placards des particuliers et à de la bonne vieille vaisselle de grand-mère qui ne demandait qu’à retrouver une place à table ! Et bam, le bazar d’alger était né.

Bruno

Quant à moi, j’ai plongé à corps perdu dans le digital en fondant mon studio de production digitale della mattia. J’ai changé radicalement de métier il y a environ 3 ans. J’ai travaillé auparavant pendant plus de huit ans dans la communication et le marketing digital pour des entreprises ou des lieux culturels. J’ai toujours été attiré par le numérique sans penser un jour être capable de coder. Puis j’ai apprivoisé le code par le biais de collègues creative coders, qui m’ont encouragé à apprendre. Je me suis formé en ligne avec SuperHi puis à l’école du Wagon dans laquelle je donne toujours des cours aujourd’hui, en parallèle de mon activité d’indépendant. C’est par ce biais que j’accompagne ma clientèle sur la conception, le design et le développement de tous leurs projets digitaux de type portfolio ou e-commerce, le plus souvent pour des artistes, et même pour de petites marques comme le bazar d’alger (Rires). Plus récemment, je me suis formé à l’écoconception, ce qui va me permettre de réaliser d’ici la fin de l’année des sites écoresponsables et low impact.

TSF

Nous sommes ici dans l’antre du bazar d’alger, votre temple dédié à la création Arnold. Pouvez-vous nous présenter plus en détail votre marque ?

Arnold

C’est un antre ouvert dans lequel nous avons autant de plaisir à recevoir qu’à travailler tous les deux ! Cela fait maintenant deux ans que nous y sommes et c’est un peu à cause du bazar d’alger. Pour la petite histoire, ce four à céramique qui trône négligemment dans l’entrée est un cadeau d’Isabelle, une amie de ma mère, qui s’est empressée de me filer un énorme coup de pouce dès qu’elle a vu que je commençais mon activité. C’est alors, au début de notre relation avec Bruno, que je l’embarquais en camionnette dans le Vaucluse pour aller chercher ce petit truc de rien du tout ! C’est en revenant au milieu de la nuit dans mon appartement de l’époque, que nous nous sommes rendu compte (enfin, surtout moi) que ça ne rentrerait pas. Il était déjà plein ! Je vous la fais courte : après quelques jours à passer honteux – mais comme si de rien n’était – devant ce four près des boîtes aux lettres, je tombe sur la seule annonce du quartier qui n’a pas de photo la veille d’un départ en vacances au Pays basque. J’appelle, la visite est prévue pour le lendemain matin. Et nous tombons sur cette petite pépite. Le train partait trois heures plus tard. La propriétaire nous a gardé l’appartement jusqu’à notre retour de vacances et nous nous sommes installés ! Cela fait maintenant donc deux ans que j’ai plaisir à travailler le décor sur de la vaisselle ancienne – ou directement sur celle de mes clients –, que je crée des décors sur faïence pour des intérieurs uniques, ou que je peins sur soie.

TSF

Pourquoi avoir mis le « sur-mesure » au cœur de votre projet ?

Arnold

J’avais besoin de créer ce lien d’intimité qui m’a trop souvent manqué avec ma clientèle. Ce ne sont pas des objets que je vends, c’est un travail d’artiste et d’artisan. J’ai un goût infini pour les nouvelles rencontres. Il n’est pas rare que je rentre à la maison tard le soir en annonçant à Bruno que nous avons des inconnus à dîner le surlendemain, mais « tu verras, ils sont supersympas ! » La personnalisation est une porte d’accès facile à cette intimité, elle permet aux gens que je rencontre de me parler de ce qu’ils aiment, de me raconter leur histoire et de me confier juste assez de cette intimité pour que je la transpose à ma manière. Mais pour le bazar d’alger, ma source d’inspiration principale vient des histoires que ma clientèle partage avec moi, étant donné que je travaille essentiellement sur de la personnalisation. C’est ma matière première. Il me revient ensuite de leur proposer des façons de retranscrire leurs secrets. Mon motif alphabet est souvent demandé. Ce sont comme les petites pâtes alphabet au fond de l’assiette de notre enfance. Un motif aléatoire que je peins à l’or. En général, seuls les destinataires de cette attention arrivent à déchiffrer le message rapidement.

TSF

Porcelaine, faïence, soie, papier : y a-t-il une matière que vous préférez travailler ? Et une sur laquelle vous rêvez d’apposer vos motifs ?

Arnold

Si je pratique ces médiums, c’est par plaisir mais aussi afin de m’offrir la possibilité de développer les propositions du bazar d’alger. Parce qu’en en pratiquant autant, je m’assure une pratique qui ne me lassera pas. Et parce que je les choisis si diverses, je m’ouvre à de multiples possibilités d’application. Avec le décor sur porcelaine, je travaille l’art de la table et la convivialité, chose qui fait partie de notre manière de vivre avec Bruno. Cela m’a aussi permis de rentrer en phase de réflexion et de création avec Balbosté pour imaginer des expériences gustatives multisensorielles. J’ai développé le décor sur faïence pour m’offrir des possibilités de création sur de plus grandes surfaces. Avec le décor sur soie, le projet serait de créer des pièces uniques, comme celles que nous portons. Le bombers réversible, la chemise oversize unisexe. Je m’attaquerai bientôt à une série de pièces uniques sous forme de coussins en soie peinte. Suspens !

TSF

Pourquoi utiliser l’or et le platine mais pas la couleur – pourtant omniprésente chez vous – sur vos créations ?

Arnold

J’utilise l’or car j’utilise aussi de la vaisselle que je chine. Il se trouve que l’or et le platine ont ce pouvoir de sublimation qui fait accepter aux gens les traces d’usure présentes sur une vaisselle qui peut déjà avoir 50, 100 ou 150 ans. C’est par cet ajout de précieux que passe l’upcycling de l’ancien. Il faut aussi se rendre compte que l’or comme le platine ne sont pas qu’une couleur mais des milliers de reflets qui se meuvent en même temps que la lumière qui les touche. Et cela fonctionne à toutes les échelles !

TSF

Où allez-vous puiser votre inspiration pour réaliser vos dessins ? Quelles sont celles qui ont contribué à forger votre univers ?

Arnold

Des sens en éveil permanent. Ça me paraît être une base. Ensuite, se forger une culture, s’intéresser à ce qui nous touche et comprendre pourquoi. C’est dans cette analyse de ce qui réveille mes émotions que je puise mon inspiration. La nature est évidemment une des choses dans lesquelles je vis et qui m’influencent beaucoup. L’intimité dont je parlais un peu plus tôt est aussi très importante pour les créations du bazar d’alger.

TSF

Parlez-nous de cet endroit, entre atelier et appartement.

Arnold

C’est un ancien atelier ! Cet étage et la partie dans laquelle nous nous trouvons accueillaient la machinerie et de l’autre côté du palier se trouvaient les habitations. C’est un endroit totalement ouvert. L’espace n’a été structuré que par le mobilier, quelques tentures ou rideaux et beaucoup de plantes. Nous avons voulu conserver un maximum de fluidité et faire en sorte que les gens se sentent bien chez nous, que ce soient nos amis ou les personnes avec qui nous travaillons.

TSF

De quoi est-il peuplé ?

Arnold

Peuplé, c’est bien le mot ! Entre les plantes qui poussent et les fleurs qui sèchent… Il y a toute une partie du mobilier qui m’a été transmis par ma mère, qui a enrichi son intérieur au fil de ses séjours africains auprès de mon père militaire. J’aimais également beaucoup dévaliser l’échoppe savamment garnie d’Ambroise Alliou lorsqu’il était encore dans le XVIIIᵉ arrondissement mais je le suis toujours de près depuis qu’il a migré à Trouville, on ne sait jamais ! J’y avais acquis le fauteuil Josef Zotti que j’aime tant, la table basse ronde en marbre à piétement acier blanc 1970 qui commande l’entrée, l’enfilade crème et aluminium de Georges Frydman ainsi que la bibliothèque en métal et palissandre. J’ai également écumé leboncoin et me suis beaucoup servi de Cocolis, le partenaire idéal pour récupérer ses petits ou ses gros trésors de chine ! Sur le site de petites annonces, j’ai déniché mon enfilade en marbre et palissandre. J’y expose maintenant mes derniers échantillons de carrelage ! Sinon, j’adore cette étagère suspendue au plafond en tiges de fer gainées de plastique blanc qui vient de Mexico. J’aurais voulu en rapporter quatre de plus mais nous avions déjà un surplus de bagages substantiel dû à mes « petits » achats compulsifs (poteries, machine à écrire, bougies, vases, oiseaux, visage en bronze et j’en passe). Au mur, on peut trouver un peu de mon travail avec le grand collage papier que j’ai réalisé pendant le confinement, quelques faïences encadrées, une tenture en soie et quelques étagères de salle de bains que j’ai décorées à l’or et disposées dans le salon. Une table basse, prototype d’une collaboration avec Renée Recycle avec qui nous produirons bientôt des pièces uniques de mobilier sur lesquelles seront apposés des carreaux du bazar d’alger. Et puis, il y a cette banane en bronze. Seul objet que j’avais pu m’offrir parmi l’incroyable sélection de mon ami antiquaire Dorian Caffot de Fawes. Mais ce dont j’aime être le plus être entouré, c’est le travail d’autres artistes. Comme pour cela aussi je suis un peu compulsif, il y a une centaine d’œuvres qui attendent sagement d’être encadrées. Ma passion pour l’art a contaminé Bruno qui s’est récemment offert un dessin d’Alex Foxton et une toile d’Alexandre Benjamin Navet. De mon côté, pour le peu qui est visible pour le moment, il y a mes chères Martinet & Texereau, qui ont réalisé les deux dessins au-dessus du canapé et ce quadriptyque végétal qui nous accompagne dans l’espace bureau. Puis les collages de Claire Trotignon, les plantes de Brian de Graft, un portrait icône de François Malingrëy, ce portrait de Bruno que j’ai commandé à Cristina Amodeo pour son dernier anniversaire, quelques toiles de George(s), et ces petites cartas de loteria mexicaines que j’aime tant.

TSF

Vous passez votre temps à chiner. Quelles ont été vos plus belles trouvailles ? Et quel est l’objet / le meuble que vous rêvez un jour de dénicher ?

Arnold

J’étais le plus heureux lorsque j’ai chiné cette table Le Corbusier LC6 sur leboncoin. J’en rêvais depuis que je l’avais découverte ! Nous travaillons depuis tous les jours dessus. Merci donc à cette dame qui la cédait pour se racheter la même ! Et puis j’aime ce crabe en bronze. C’est le premier cadeau de Bruno à mon égard. J’ai compris qu’il avait tout compris ! (Rires)

TSF

Habitants du Xᵉ arrondissement, quelles sont vos adresses favorites ici ?

Arnold & Bruno

Côté table, les petits plats généreux et raffinés de Pierre Touitou chez Déviant mais aussi Vivant 2. Le poisson comme jamais chez Olive Davoux chez Sur Mer, la terrasse de l’hôtel Providence qui offre un petit coin de paix en terrasse, du calme (là aussi en extérieur) au Chardon en face du marché Saint-Martin, la taverne de Zhao définitivement, la cave itinérante d’Oliver Gage et la nouvelle boutique de Louise Paris. Non loin de là, je vous invite à découvrir les artistes et les artisans de la Villa du Lavoir comme le joaillier Karl Mazlo, l’atelier de broderie Baqué Molinié ou les fleurs upcyclées de William Amor !

TSF

Où vous retrouverons-nous cette année ?

Arnold

Retrouvons-nous à l’atelier pour une initiation au décor sur porcelaine ! Il suffit de m’écrire pour réserver une place pour un atelier de trois heures, durant lesquelles j’accompagne mes élèves à la création de deux assiettes décorées. On peut aussi venir découvrir l’atelier, ça aussi sur rendez-vous ou bien par e-mail. Sinon, je serai au premier étage du Bon Marché dès le 22 octobre, et ce, jusqu’au 24 décembre. Il sera possible d’y acquérir les pièces uniques du bazar d’alger ou de passer commande !

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Noemi Ferst et Benjamin Moreau, Gigi 4 ans

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