Famille

Une Américaine à Paris

Chez

Ajiri Aki et Thomas Buchwalder, Noomi 7, Baz 4 ans

Il y a des villes que l’on quitte mais qui nous attendent. Sans que l’on y songe. Sans même que l’on se doute un seul instant que, au hasard des choses, la suite de notre histoire s’y écrira. Un jour, quelques mois voire quelques années plus tard ! En quittant la capitale française suite à l’écriture de sa thèse sur le parfumeur Jean Patou, Ajiri Aki était loin de s’imaginer faire un jour partie de ses habitants. Et pourtant. Étudiante déjà passionnée par les beaux-arts et les objets anciens, l’Américaine quitte la France avant de revenir aux États-Unis. Un coup du destin plus tard, elle y rencontre Thomas Buchwalder, son mari, effectuant sans le savoir un premier rapprochement géographique. Car le jeune homme en plus d’être suisse allemand – évolue et vit – depuis une dizaine d’années à Paris ! « Partir pour mieux revenir », un adage taillé sur mesure pour l’amoureuse qui, après avoir éprouvé les débuts d’une relation à distance, s’y installe à son tour quelques mois plus tard. L’art de vivre à la française, Ajiri l’épouse tout aussi naturellement. Cette entrepreneuse dans l’âme apporte un soin tout particulier à mettre à l’honneur la culture de son pays d’adoption dans son projet Madame de la Maison – marque à la curation étudiée de services chinés et de linge de maison. Transie de la Belle Époque et du faste insouciant de ses réceptions, elle s’attelle à mettre en lumière avec justesse les objets vestiges de ce temps sur son site et… chez elle. Un écrin typiquement haussmannien – reflet des préoccupations décoratives de notre hôte – abritant les trouvailles vintage de cette chasseuse de trésors et foyer d’une famille qui vit aux croisements des cultures française, américano-nigérienne et suisse allemande. Un univers riche en histoires et inspirant dans lequel nous avons le plaisir de vous entraîner aujourd’hui.

Lieu

Paris

texte

Caroline Balvay

Photographies

Valerio Geraci

TSF

Ajiri, pouvez-vous vous présenter ?

Ajiri

Je suis la fondatrice de Madame de la Maison, une marque spécialisée dans l’art de la table. Nous vendons des produits chinés et avons notre propre gamme de linge ! Mon époux, Thomas Buchwalder, est un producteur suisse-allemand qui a fondé Cactus Films. Nous vivons ensemble à Paris depuis dix ans dans le XIe arrondissement et avons deux enfants, Noomi, qui a 7 ans, et Baz, qui en a 4.

TSF

Quelle est l’histoire qui vous a amenés, vous et votre famille, à Paris ?

Ajiri

Je suis tout d’abord venue à Paris pour quelques mois, afin de rédiger la thèse de mon master sur Jean Patou dans les années 1920 et 1930. J’ai dû repartir en pensant tristement avoir passé mes derniers jours dans cette ville magnifique. Mais, neuf mois plus tard, j’ai rencontré mon époux, Thomas, alors que nous travaillions ensemble sur une production à New York durant la fashion week. Ce fut une semaine épique mais l‘intensité de ces quelques jours, il y a 11 ans, nous a rapprochés. Nous ne nous sommes littéralement plus quittés depuis ! À l’époque, Thomas travaillait et vivait à Paris depuis déjà plus de dix ans, et après une période de relation à distance, nous nous sommes mariés à New York et à Austin, au Texas. J’ai ensuite officiellement emménagé ici.

TSF

Parlez-nous de votre éducation au « beau ». Comment s’est développé votre goût ?

Ajiri

Lorsque j’avais six ans, ma mère a commencé à m’emmener à des ventes de garage à Austin, ce qui est l’équivalent – moins organisé – des vide-greniers en France. Elle m’a appris que ce qui est à jeter pour quelqu’un peut être un trésor pour un autre. Je pense que cela m’est resté. Mais ce n’est qu’à partir du moment où j’ai déménagé à New York et que j’ai commencé à me plonger dans des lectures variées, des vieux films et des expositions que j’ai vraiment commencé à développer mon regard sur ce que j’aime et apprécie. Mon goût s’est progressivement développé en lisant, recherchant et en apprenant de nouvelles choses régulièrement.

TSF

Et votre passion pour les objets chinés ?

Ajiri

Je peux vous dire que le premier « objet » que j’ai aimé, c’est le service en porcelaine du mariage de ma mère, qu’elle gardait sous verre. Elle est malheureusement décédée sans jamais s’être servie de ces assiettes qu’elle adorait. Cela m’a beaucoup touchée. Je mets désormais un point d’honneur à utiliser de la belle porcelaine, chose que les Français n’ont aucun mal à faire ! Mais ma grande passion s’est développée en même temps que mes connaissances. Notamment avec l’obtention d’un master en arts décoratifs, en histoire du design et en culture matérielle. Ce fut un programme incroyable, qui m’a apporté une approche holistique du design et de son histoire. Aimant follement ce que j’apprenais, j’ai donc commencé à également adorer connaître l’histoire des objets que je voyais dans les brocantes. Cet amour s’est transformé en une passion pour la quête de trésors, qui à ce stade relève presque de l’obsession.

TSF

Quand avez-vous pris la décision de créer Madame de la Maison ?

Ajiri

J’ai découvert qu’inviter des personnes chez moi m’apportait du réconfort et un lien social, d’autant plus que mes premières années à Paris étaient assez solitaires ! Et puis nous pouvons tous citer des souvenirs précieux de nos vies, qui ont eu lieu autour d’une table. Alors je me suis mise à recevoir des étrangers, de nouvelles connaissances ou des amis de passage lors de « supper clubs » et de salons. À ce moment-là, je travaillais sur d’autres projets, comme le livre – dont je suis la coautrice – Where’s Karl? et j’écrivais pour d’autres. Je me demandais quelle pourrait être la prochaine étape de ma carrière. En réfléchissant, je me suis ensuite souvenue que, depuis mon enfance, les moments de réunion, sous toutes leurs formes, m’avaient énormément plu et m’apportaient beaucoup de motivation. Comme William Morris l’a dit au début du XXesiècle, « L’amitié, c’est la vie » et dans mon cas c’est vraiment ma raison de vivre. J’ai donc commencé l’ébauche d’une entreprise qui élèverait et célébrerait l’art de la table, mais aussi ces moments « d’être ensemble » tout en faisant attention à ne pas encombrer davantage notre univers. J’ai rassemblé mes deux passions, celle des antiquités et celle des moments sociaux. Tout en gardant en tête que je voulais également que les personnes puissent louer ces services pour que le dressage d’une belle table ou les réceptions soient accessibles à tous et voilà, Madame de la Maison a vu le jour en 2018.

TSF

Lorsque vous chinez – pour vous ou pour les autres – certains styles, époques ou signatures vous attirent-ils plus que d’autres ?

Ajiri

Oui ! C’est une question que l’on me pose souvent. J’ai dû analyser ce qui me plaît, car j’ai longtemps supposé ce que la plupart des gens pensent : j’aime ce que j’aime. Mais j’ai ensuite pris conscience que j’étais attirée par des périodes où la place des célébrations était importante. J’aime par exemple beaucoup les éléments de la fin du XIXe siècle, quand, pendant la révolution industrielle, les personnes organisaient des réceptions quelles que soient les raisons, quelle que soit l’importance de l’occasion. À cette époque, ils adoraient les dîners avec de très nombreux plats et beaucoup d’accessoires dédiés au service de ces repas. J’aime aussi les objets fabriqués à une époque qui célébrait le voyage. Donc oui, cela comprend la Belle Époque, les Années Folles, Art déco, Art nouveau, et même la période de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. J’apprécie également toutes les reprises de ces époques qui ont eu lieu dans les années 1950 et 1970.

TSF

En tant qu’expatriée résidant en France, que dit votre intérieur de votre double culture franco-américaine ?

Ajiri

Notre mélange de culture saute aux yeux lorsque vous entrez chez nous et que vous entendez de l’anglais, du français, du suisse allemand et du haut allemand en moins d’une demi-heure ! Au-delà de ça, je ne suis pas sûre qu’il y ait beaucoup de différences avec les autres foyers parisiens. Ah si ! Il y a tous les produits et les épices que nous aimons rapporter des États-Unis et de la Suisse. Et nos livres sont presque tous en anglais ou en allemand.

TSF

D’ailleurs, comment la conciliez-vous dans votre vie quotidienne pour vos enfants, votre famille ?

Ajiri

J’ai été élevée par des parents immigrés à Austin, au Texas. Mes enfants reçoivent à présent l’éducation de parents immigrés à Paris. Pour être honnête, notre situation est malheureusement bien meilleure que celle de la plupart des immigrants en France, mais j’imagine qu’il est difficilement possible de faire des parallèles. Parfois, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il se passe actuellement, y compris à l’école. Cependant, je suis heureuse que mes enfants puissent vivre l’expérience d’être élevés à Paris. Nous retournons aux États-Unis une fois par an pour rendre visite à ma famille au Texas, afin qu’ils gardent leurs racines américano-nigériennes, et mes frères viennent aussi nous voir. Nous essayons également d’être aussi présents que possible. Nous ne lisons que des livres, ne regardons que des dessins animés et des films anglais. Je suis également assez militante sur l’achat de livres qui les éduquent sur l’histoire des femmes et sur celle des Noirs.

TSF

Comment avez-vous meublé votre lieu de vie ?

Ajiri

Nous faisons partie des personnes qui adoptent une approche lente et régulière. J’aime vivre dans un endroit et laisser l’inspiration venir pour le remplir. Je passe beaucoup de temps dans des brocantes partout en France, et j’y trouve de magnifiques objets pour notre appartement. Je trouve aussi de l’inspiration sur Instagram, puis je m’échine à trouver un objet similaire ailleurs.

TSF

Que dit-il de vous ?

Ajiri

Notre chez-nous est le parfait patchwork de nos histoires partagées. J’ai rapporté la plupart de nos livres de New York. Ce sont des ouvrages que j’avais rassemblés lorsque j’étudiais les arts décoratifs et que je travaillais dans la mode. En la matière, il vous suffit de regarder les reliures pour savoir ce que j’aime et ce qui m’inspire ! Mon époux est un technicien du cinéma, donc ses équipements, ses projecteurs et ses ordinateurs sont partout. J’aime aussi collectionner nos souvenirs de voyages. D’ailleurs, les antiquités que nous avons rassemblées me rappellent aussi ceux que nous avons faits et durant lesquels nous les avons trouvées. Elles font partie de ma passion et de mon travail ! Mais étant une famille avec de jeunes enfants, je tiens à m’assurer qu’ils sont à l’aise eux aussi, et qu’ils n’ont pas l’impression que tout est trop précieux pour eux.

TSF

L’art de la table est au cœur de votre travail. Quelle importance ont le salon et la salle à manger selon vous ?

Ajiri

Ces pièces sont extrêmement importantes ! J’y passe tout mon temps avec ma famille et mes amis. Quand mes invités se sentent parfaitement à l’aise, cela m’apporte énormément de joie ! Je ne veux pas d’un espace qui soit trop austère ou froid. Je veux pouvoir inviter des personnes à ma table, ou à ma table basse, pour rire, pleurer, mettre du désordre, manger, boire, danser, ou n’importe quoi d’autre. Je préfère que ces espaces n’aient pas l’air parfaits mais plutôt habités.

TSF

Quelles sont, selon vous, les pièces essentielles à toujours avoir chez soi pour recevoir à dîner ?

Ajiri

Je pense que si vous n’achetez que des pièces qui vous plaisent et que vous adorez utiliser, vous pourrez toujours reculer un peu et admirer ce que vous avez préparé ! Ceci dit, voici quelques pièces de base à avoir : du linge de couleur sombre et de couleur claire, un service en porcelaine uni et un à motifs, ainsi que de la verrerie gravée ou biseautée. Quelques éléments amusants auxquels les gens pensent peu mais qui font leur effet : un service d’apéritif ou de petits bols à entremets. J’aime beaucoup disposer des porte-couteaux sur la table aussi, quand je sers un buffet ou même pour un dîner assis. Ces petites pièces inattendues m’emplissent de joie et mes invités les apprécient également ! Cela leur rappelle des souvenirs d’enfance et elles deviennent rapidement des sujets de conversation.

TSF

Vous habitez dans le XIᵉ arrondissement parisien. Quelles y sont vos adresses favorites ?

Ajiri

J’aime beaucoup mon voisinage et j’y passe beaucoup de temps ! En fait, je suis dans une zone idéale du XI, car j’ai le canal Saint-Martin à cinq minutes de chez moi et le Marais à cinq minutes aussi mais dans une autre direction. Ma liste est à l’image de ma vie réelle, et dépasse les frontières. Pour un chai latte ou le repas de midi, j’aime beaucoup The Hood et le Café Méricourt. Le Café de la Place est mon endroit préféré pour l’apéritif. C’est un véritable endroit de quartier, comme tout petit rade se doit de l’être ! Sinon, j’adore les restaurants Siseng, Double Dragon, Margo et Robert. Côté boutiques, je me balade pour chercher des cadeaux et je finis toujours par acheter quelque chose chez Victoria’s Antiques, Landline Paris, Officine Universelle Buly, et Thanx God I’m a VIP. Dans la rue du marché Popincourt, il y a aussi toute une série de brocantes avec des vendeurs qui tournent et apportent de nouveaux objets. Je vais aussi régulièrement chez Éphémère et à la Fromagerie Goncourt !

TSF

Et celles que vous recommandez pour goûter à un bout d’Amérique à Paris ?

Ajiri

The American Library à Paris et Shakespeare and Company proposent tous deux des programmes formidables que j’apprécie beaucoup, avec des lectures et des discussions sur des auteurs américains. J’aime aussi suivre Crystal Petit et ses représentations avec la chorale Singing Earth Divine car j’apprécie les moments musicaux joyeux qu’elle crée, et qui ne sont pas monnaie courante ici. Et à chaque fois que j’entends qu’il y aura la représentation en anglais d’un comédien, d’un orateur ou d’une pièce de théâtre, je suis la première à faire la queue pour les billets. Concernant les friandises, je recommande Boneshaker Donuts et Jean Hwang Carrant Cookies, et pour le repas de midi ou le dîner Ralph’s Restaurant et Ellsworth sans hésiter.

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