Céline Le Dez et Loïc Prosperi
Ça a commencé comme ça. Par des vacances le temps d’un été chez un ami dans la cité phocéenne sept ans plus tôt. Puis le...
chez
Si son allure peut s’apparenter à celle des constructions californiennes des années 1970, cette maison-là est avant tout résolument « sudiste ». Une influence majeure que confesse sans peine le maître des lieux, l’architecte Benjamin Sériès. Imaginée « dans la continuité du jardin et non pas l’inverse » par Sériès et Sériès – l’agence cofondée avec Thomas, son frère –, cette réalisation est un vrai work in progress. Comprendre : l’occasion pour le duo partagé entre Marseille et Los Angeles de tester puis de valider des choix décoratifs pour les adapter à d’autres projets. Une façon d’expérimenter et de se projeter pour ensuite s’adapter aux lieux rencontrés avec comme constante la qualité de l’espace architectural. Une exigence à laquelle ne déroge pas la résidence familiale du Marseillais. Pour lui et sa femme, Philippine, il était avant tout ici question de simplicité. Peu de décoration, des espaces verts qui se vivent comme un prolongement du salon. Des volumes immaculés à la découpe graphique « qui profitent de tout ce qu’apporte le climat du Sud, ensoleillés et chauffés par le soleil en hiver, et largement ouverts sur l’extérieur pour profiter de sa douceur en été ». Réalisée à partir de matériaux bruts, « le moins industrialisés possible », l’ossature « sans prétention » fait se côtoyer des richesses locales travaillées artisanalement tels les carreaux de Salernes qui recouvrent une piscine aux tonalités du paysage environnant ou encore la pierre quartzite transformée en un rafraîchissant plan de travail pour la cuisine. Valorisant la notion d’espace, cet intérieur lumineux ne s’encombre pas du superflu et met le doigt sur l’essentiel. Tout cela à dix minutes en voiture à peine du centre de la cité Phocéenne.
Je m’appelle Benjamin, je suis architecte. Philippine travaille dans le cabinet d’architecture de son père où elle s’occupe de la partie décoration et paysage. Nous nous sommes rencontrés il y a près de 30 ans sur les bancs de la fac de droit et nous ne nous sommes plus quittés depuis.
Après une adolescence passée à faire beaucoup de graffitis, le bac obtenu, je me suis orienté vers des études de droit. S’ensuivirent deux années d’errance sur les bancs de la fac d’Aix qui m’ont quand même permis de rencontrer Philippine ! Je suis revenu naturellement vers ce à quoi j’aspirais depuis le début pour faire des études d’architecture. Diplômé à peu près en même temps que mon frère, nous avons créé l’agence Sériès et Sériès.
Après des études de droit et d’histoire de l’art, j’ai intégré l’agence d’architecture paternelle avec pour mission de l’assister dans des projets de décoration pour l’hôtellerie.
Ma famille est dans la décoration et la peinture depuis 1895. Mon père tenait la boutique familiale à Marseille, ce qui m’a permis de baigner dans cet environnement très jeune, déambulant entre les tissus et la tapisserie que mon père sélectionnait avec soin. J’ai eu pendant mes années graffitis un atelier dans l’arrière-boutique où j’ai passé beaucoup de temps à peindre sur des matériaux de récupération du magasin.
Lorsque nous sommes sortis de l’école d’architecture au début des années 2000, Thomas est parti s’installer à Paris. Nous avons partagé pendant quelques années l’agence entre Marseille et cette ville, et, il y a de cela une dizaine d’années, Thomas en a eu marre de la grisaille et a souhaité s’expatrier au soleil à Los Angeles. Quand l’un se couche, l’autre se réveille. Mais nous nous parlons quotidiennement pour faire le point sur les projets en cours, sur la journée passée et sur les choses à faire ! Cette double localisation nous permet de faire tourner l’agence 24/7. Nous travaillons sur des projets de logements collectifs, de maisons, de réaménagement d’hôtels comme de bureaux, et nous essayons d’imprégner notre architecture de ces deux influences américano-méditerranéennes.
Qu’est-ce qui vous anime au quotidien dans votre métier d’architecte ?
Nous expérimentons sans cesse pour projeter nos envies et les adapter aux espaces sur lesquels nous travaillons. Nous recherchons à exprimer l’essence même d’un lieu dans la simplicité et sélectionnons les matériaux avec soin afin de mettre en valeur l’essentiel : la qualité de l’espace architectural. Nous faisons de nombreux dessins pour explorer toutes les pistes et ne rien laisser au hasard, mais le chantier nous ramène à la réalité et nous fait croire à la sérendipité. Ma maison est un work in progress qui nous permet de tester et de valider des choix décoratifs pour les adapter à d’autres projets. En ce moment, nous effectuons aussi ce travail sur la résidence de Thomas à Los Angeles.
Même si le travail de certains architectes comme Ricardo Legorreta, Rudolf Olgiati, Carlo Scarpa ou les maisons de Franck Ghery nous intéresse, l’essentiel de nos inspirations vient d’artistes, de sculpteurs et de designers comme Tony Smith, Giuseppe Penone, Daniel Buren, Claude Viallat, Ettore Sottsass, Isamu Nogushi ou encore Sol LeWitt.
Il y a effectivement une influence de l’architecture des années 1970 américaine qui me plaît beaucoup pour la simplicité des détails, l’exécution et la mise en œuvre de matériaux simples. Mais je qualifierais plutôt les influences de notre maison de sudistes (Rires). C’est une maison qui profite de tout ce que nous apporte le climat du Sud, ensoleillée et chauffée par le soleil en hiver, et largement ouverte sur le jardin pour profiter de sa douceur en été !
Bois, carrelage ou encore marbre habillent votre intérieur. Expliquez-nous ce choix de matières.
Nos choix se sont orientés vers des matériaux le moins industrialisés possible. Nous les avons utilisés de manière assez brute. Le socle de la maison en rez-de-jardin est construit en béton peint en blanc à l’intérieur et enduit doré pour l’extérieur. Les étages sont en panneaux bois avec les cloisons séparatives en bois, il y a très peu de placo. Des bejmats, à l’intérieur et à l’extérieur pour le sol, dont l’aspect irrégulier fait vibrer la lumière. Des carreaux de Salernes pour la piscine avec un émaillage fait main. Une pierre quartzite pour l’îlot de la cuisine vient apporter de la couleur.
Pour vous, l’architecture est un « vecteur d’émotion ». Quelles intentions ont guidé l’aménagement de votre maison ?
C’est une maison sans prétention qui ne laisse pas paraître grand-chose de la rue. Le rez-de-chaussée et l’étage de chambres sont tous deux aménagés autour d’un patio. Nous souhaitions tous les deux en avoir un pour pouvoir amener la végétation au cœur de notre habitation. Nous accédons à la pièce de vie par un escalier qui descend au rez-de-jardin. C’est là que nous avons mis en scène les espaces extérieurs, le jardin – qui est l’œuvre quasi exclusive de Philippine – et la vue qui nous ont séduits lorsque nous avons visité la première fois. Nous avons imaginé la maison dans la continuité des espaces verts et non pas l’inverse. Orientés vers l’extérieur, nous vivons et passons beaucoup de temps dehors.
Nous avons fait le choix de la simplicité pour accompagner le regard vers le jardin et mettre en valeur les espaces extérieurs, qui sont ceux que nous utilisons le plus finalement. La terrasse qui est une continuité du salon, la piscine dans laquelle nous prenons souvent l’apéro et le patio qui est parfait pour déjeuner au frais. Nous essayons de ne pas accumuler trop d’objets, il faut que chaque pièce de mobilier fasse consensus.
Le patio avec le four à pizza que j’ai fabriqué pendant le confinement ! C’est un espace idéal pour recevoir les amis et boire des verres toute la nuit.
Pour nous, la Madrague, c’est la campagne à proximité du centre-ville, accessible à moins de dix minutes à moto. Au pied des collines de Marseilleveyre pour aller se balader toute l’année, à deux pas de la mer, nous pouvons descendre en courant avec mon fils pour aller surfer dès qu’il y a un coup de mistral. Les vacances toute l’année, en somme.
Des adresses marseillaises à nous recommander ?
Le musée Cantini ! C’est le premier musée dans lequel je suis entré seul pour voir une exposition de Jean-Michel Basquiat. J’avais 15 ans et, depuis, je conserve une certaine affection pour ce lieu. La Relève pour l’apéro et la convivialité, Sepia pour l’inventivité des recettes de Paul Langlere, le Cercle des Nageurs pour le reste.
Où vous retrouverons-nous dans les prochains mois ?
À Sète où nous terminons un joli projet de maison de ville qui me tient à cœur, à Los Angeles où nous avons amorcé le projet de maison de Thomas à Venice ou peut-être sur la plage, dans les îles à faire des pizzas dans une paillote.
Nous avons imaginé la maison dans la continuité du jardin – qui est l’œuvre quasi exclusive de Philippine – et non pas l’inverse. Cette vue sur l'extérieur et sur les collines m’apaise.
Photographies : Valerio Geraci – Texte : Caroline Balvay @thesocialitefamily
Superbe maison! Épurée avec un brin de folie! Dommage que la maîtresse des lieux soit complètement absente dans l’interview!