Charles de Vilmorin, <br>le dessin pour langage

Charles de Vilmorin,
le dessin pour langage

La parole n’a, pour certains, jamais su traduire le bouillonnement de leur monde intérieur. C’est du moins le cas de Charles de Vilmorin, qui a confié avoir trouvé dans le crayon un moyen bien plus fidèle d’esquisser sa pensée. « J’ai dessiné avant même de savoir écrire », nous dira le directeur artistique de la maison Rochas, qui est également éponyme de sa propre marque, qu’il dirige ! Spontanées et instinctives, ses ébauches sont tout naturellement devenues la base de son métier. Puisant son inspiration dans les œuvres surréalistes de Man Ray ou Salvador Dalí mais aussi dans les peintures oniriques d’Odilon Redon, Marc Chagall ou encore James Ensor, le Parisien donne aujourd’hui corps à des collections poétiques dans lesquelles il s’affranchit de la notion de genre. Notamment pour sa propre griffe où ses silhouettes androgynes « assumées et volumineuses » réveillent en lui l’enfant passionné de théâtre. Un goût pour la narration et l’art total qui l’anime jusqu’à en imprégner les murs de son propre appartement ! Dans son salon haussmannien se révèle avec étrangeté une fresque aux couleurs détonantes. Reprenant les motifs de son premier défilé,le talent infuse les émotions qui le traversent à coups de gouache et d’acrylique. Car le jeune homme laisse sa sensibilité guider autant son travail que son intérieur. Ici, miroir vénitien, fauteuils des années 1970, ou encore lustre à pampilles donnent à voir un savant mélange des époques et des genres. Adoptés au hasard d’un vide-grenier lorsqu’ils n’ont pas été hérités d’un parent – à l’instar d’une toile peinte par sa mère –, les objets du prodige témoignent de son indifférence vis-à-vis du consumérisme ambiant. Une énième démonstration de la liberté d’esprit de ce créatif, figure de proue de cette nouvelle génération engagée !

Salon avec canapé orange Charles de Vilmorin
Fauteuil blanc chez Charles de Vilmorin
Module chez Charles de Vilmorin

Charles, pouvez-vous vous présenter ?

Charles

Je m’appelle Charles de Vilmorin, je suis directeur artistique de la maison Rochas depuis un an et j’ai fondé ma propre marque il y a deux ans déjà, au sein de laquelle je présente des collections Couture. Parisien dans l’âme, je partage désormais mon temps entre ma ville et Milan, des métropoles différentes mais tout aussi inspirantes. J’ai toujours été passionné d’art en général, d’où mon approche artistique et théâtrale de la mode. Je suis très inspiré par la musique, le cinéma, par la mode flamboyante des années 1980. Très solitaire, j’aime néanmoins m’entourer et passer du temps avec mes amis et mes proches qui m’insufflent une énergie créative au quotidien.

Parlez-nous de votre éducation. Dans quel cadre avez-vous grandi – et par conséquent développé votre goût ? 

Charles

J’ai eu la chance de grandir dans un cadre familial sensible à l’art avec un réel respect pour la création. Petit, je voulais être metteur en scène de théâtre. J’étais fasciné par la beauté d’associer lumière, musique, décor, costumes et personnalités au service d’une œuvre globale. En grandissant, ma passion pour la mode s’est précisée et je me suis rendu compte qu’il était tout à fait possible d’allier tous ces éléments pour raconter une histoire à travers des collections. Ma famille et mes proches m’ont toujours soutenu et motivé dans mes projets. Ils m’ont transmis leur belle culture artistique et m’ont permis de développer ma curiosité en m’emmenant très jeune dans des musées/expos. Ils m’ont également appris à m’intéresser à tous les mouvements et formes d’art, à ne pas se mettre de barrières pour des questions de goût et de sensibilité. Une ouverture d’esprit nécessaire, selon moi, pour aiguiser son esprit critique en perpétuelle évolution tout au long de sa vie.

D’où vous vient votre amour du dessin ? 

Charles

J’ai toujours dessiné avant même de savoir écrire. C’est mon principal moyen d’expression. Que ce soit illustration narrative ou croquis de mode, mon dessin est très spontané et j’aime le voir évoluer au fil des années et expériences. Ma mère dessine et peint comme plusieurs autres personnes au sein de ma famille. C’est elle qui m’a appris les bases sans me transmettre un savoir-faire trop conventionnel. Les artistes qui m’ont inspiré sont Tim Burton, Dali, Picasso avec ses esquisses, Man Ray, Matisse… J’aime les œuvres surréalistes qui déforment les proportions. J’avoue être sensible aux univers étranges ou inquiétants lorsqu’ils sont ravivés d’une poésie colorée. Même si le dessin est devenu aujourd’hui mon métier, je ressens toujours autant de plaisir à le pratiquer.

Étagères noires chez Charles de Vilmorin
Chaise noire chez Charles de Vilmorin
Abat-jour bleu chez Charles de Vilmorin
Salle à manger chez Charles de Vilmorin

Designers, artistes : quels sont ceux dont l’œuvre a eu une influence sur vous, votre travail ? 

Charles

Les designers qui ont influencé et influencent toujours mon travail sont John Galliano, Thierry Mugler, Alexander McQueen, ou encore Jean-Paul Gaultier pour leur vision narrative et littérale, mais aussi pour les histoires qu’ils racontent à travers leurs défilés toujours plus théâtraux. Je suis également sensible à une mode plus graphique, conceptuelle et poétique comme celle d’Yves Saint Laurent, de Jean-Charles Castelbajac ou bien Christian Lacroix. Aujourd’hui, je suis très admiratif du travail de Marc Jacobs, Julien Dossena chez Paco Rabanne ou de Nicolas Ghesquière chez Vuitton ainsi qu’au travail de designers de ma génération tels qu’Alphonse Maitrepierre ou Ludovic de Saint Sernin. La peinture fait également écho en moi, particulièrement la peinture onirique d’Odilon Redon, Marc Chagall ou encore James Ensor.

Comment définiriez-vous votre signature de créateur de mode ?

Charles

Il est compliqué d’être objectif mais je me définirais comme un créateur avec une approche poétique, narrative et ludique. Je pense savoir maîtriser les couleurs pour provoquer une émotion. J’ai une vision théâtrale et dramatique et j’aime esquisser des silhouettes assumées et volumineuses.

Vous êtes le directeur artistique de la maison Rochas et celui de votre marque éponyme. Comment appréhendez-vous au quotidien ces deux postes et ces deux identités distinctes ?

Charles

Comme vous l’avez si justement présenté, il s’agit de deux identités très distinctes, de deux histoires différentes mais qui ont tout autant d’importance l’une que l’autre. La femme Rochas est très Parisienne, sophistiquée, artistique et décalée, tout en élégance, tandis qu’au sein de ma marque, je visualise davantage des créatures extrêmes et dramatiques. Je tente d’apporter un maximum de poésie dans les deux entités bien que les attentes et objectifs ne soient pas les mêmes. Le fait de travailler en Italie pour Rochas permet à mon esprit de séparer les deux marques et leur complexité.

Table chez Charles de Vilmorin
Dessin Charles de Vilmorin
Livres chez Charles de Vilmorin
Chambre à coucher chez Charles de Vilmorin
Lit chez Charles de Vilmorin
Alcôve chez Charles de Vilmorin

À qui s’adressent vos réalisations ? 

Charles

Que ce soit pour Rochas ou pour ma propre marque, j’ai une vision assez précise de la notion de genre. Je lutte à travers mon travail pour une évolution des mentalités à ce sujet afin que toutes et tous se sentent bien et épanouis dans le corps de leur choix. Pour cela, et de manière naturelle et totalement spontanée, je crée des vêtements pour tout le monde sans distinction des genres. Au sein de ma marque, mes silhouettes sont unisexes et peuvent être portées et appréciées par quiconque en a l’envie. Concernant Rochas, l’identité est pour le moment entraînée dans un rythme de calendrier très précis avec des saisons. Néanmoins, la mode est en train de faire évoluer ces questions afin de dégenrer les fashion weeks et de les rendre plus inclusives. Je soutiens de tout cœur cette mutation et j’essaie d’y participer à mon échelle.

Vous vous êtes entouré de personnalités de votre génération pour la première collection capsule de votre marque. Quel regard portez-vous sur elle ? 

Charles

Effectivement, il est très important pour moi, au sein de ma marque comme chez Rochas, de m’entourer de mes amis qui sont présents dans mes projets, et ce, depuis toujours. Que ce soit en tant que mannequins, pour le make-up artistes, les musiciens, etc. J’apprécie de travailler avec eux et cela apporte une force sentimentale à mes projets, très importante. Ils m’inspirent au quotidien. Notre génération est libre, engagée, libérée, elle défend des valeurs fortes et mène des combats sociétaux importants. Je suis très heureux d’évoluer au sein de celle-ci, je crois en elle et en sa capacité à construire un monde plus beau.

Rouge, jaune, bleu : les couleurs primaires ont une place de choix dans votre univers. Expliquez-nous ce parti pris. 

Charles

Les couleurs sont essentielles pour moi. J’aime les émotions qu’elles évoquent et leur symbolique. Je joue avec bonheur avec elles pour créer des associations inattendues. Il est fondamental selon moi de transmettre des messages précis et clairs et les couleurs primaires le sont. C’est pour cela qu’elles me touchent autant.

Sous quelle forme les retrouvons-nous dans la décoration de votre appartement ? 

Charles

La décoration de mon appartement s’est faite de manière très spontanée à partir de coups de cœur dans des boutiques de décoration comme dans des vide-greniers ou des brocantes. Les couleurs m’attirent et me font du bien. Vivre au milieu de toutes ces nuances m’apaise. La fresque est née en une nuit. Elle reprend les motifs de mon premier défilé au sein de la maison Rochas, elle a donc un côté sentimental. J’ai voulu créer un trompe-l’œil comme une continuité de la pièce avec un piano, un fauteuil, un meuble et des plantes, le tout dans mon ADN. Elle est réalisée à l’aide d’un mélange entre gouache et acrylique.

Coussin chez Charles de Vilmorin
Autruche lampe chez Charles de Vilmorin
Éventails chez Charles de Vilmorin

Les couleurs sont essentielles pour moi. J’aime les émotions qu’elles évoquent et leur symbolique.

Fenêtre chez Charles de Vilmorin
Salle de bain verte chez Charles de Vilmorin
Vases chez Charles de Vilmorin

 Comment avez-vous pensé la scénographie de ce dernier ?

Charles

Encore une fois, tout s’est fait de manière très naturelle, sans réflexion. Cet appartement est un assemblage d’éléments très différents. Je n’ai pas voulu m’arrêter à un style particulier, au contraire, j’aime quand différents mouvements et époques se mélangent comme avec cette association d’un miroir vénitien avec des meubles et fauteuils seventies, des chaises années 1980 et d’un lustre à pampilles. J’aime également quand il y a un certain roulement dans ma décoration en remplaçant des éléments par d’autres. C’est un appartement qui vit et évolue. Je ne suis pas quelqu’un de très ordonné et n’apprécie pas quand tout a une place trop précise.

Avez-vous une pièce que vous chérissez particulièrement ici ? 

Charles

Sans hésitation, une toile peinte par ma maman, qu’elle m’a offerte quand je suis arrivé dans cet appartement. Je ne suis pas très matérialiste mais plutôt sensible à la valeur sentimentale.

Que peut nous révéler votre repaire d’artiste de votre personnalité ?

Charles

Le fait que tout ce qui constitue mon appartement soit un ensemble de pièces coups de cœur choisies sur un coup de tête montre un côté de ma personnalité très spontané. Je n’aime pas trop planifier et laisse plutôt toujours une certaine forme de liberté aux choses.

Où vous retrouverons-nous prochainement ?

Charles

Dans le parc en face de chez moi car j’accueille prochainement un petit chien !

Peinture chez Charles de Vilmorin
Lampe globe chez Charles de Vilmorin
Affiche chez Charles de Vilmorin

Cet appartement est un assemblage d’éléments très différents. Je n’ai pas voulu m’arrêter à un style particulier, au contraire (...)

Croquis Charles de Vilmorin
Bureau Charles de Vilmorin

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