Inspiration

Carlotta With, « apothicairerie culinaire »

Il y a un goût de transmission dans la cuisine de Carlotta With ! Car lorsque Charlotte Crousillat – entrepreneuse à la tête de ce restaurant hybride marseillais – nous confie quelles sont ses inspirations au moment de composer son menu, c’est à son arbre généalogique qu’elle fait appel. Des figures aussi bien maternelles que paternelles, que la jeune femme convoque spontanément. De Maria, l’arrière-grand-mère romaine et ses plats méditerranéens généreux, à sa mère – ayant vécu en Californie – adepte d’une cuisine saine faite de « graines, farines alternatives, gâteaux végans et à méthodes de cuisson douce ». Mais au-delà de l’affect, c’est aussi à l’approche nutritive et « fonctionnelle » que pense cette fille et sœur d’athlètes professionnels. Des mentors aux côtés desquels la jeune femme a grandi et a cultivé son univers. Un monde riche en saveurs que la Marseillaise documentait déjà petite au sein d’une « bible ». Des fulgurances qu’elle continue d’archiver pour les partager dorénavant au plus grand nombre au 4 boulevard Vauban ! Une enveloppe au charme brutaliste pensée avec son cousin et architecte Raphaël Mougel. Ici, l’on vient goûter sa « cuisine alternative » tout en feuilletant un livre et en terminant l’expérience du repas par l’achat d’un produit issu de l’épicerie fine. Pour la plupart locaux et de saison, chacun des ingrédients à retrouver dans l’assiette – comme sur ses étagères en vente – est sublimé tout en respectant des thèmes chers à la cheffe : notamment sa recherche chromatique pointue ou encore ses expérimentations florales. Des matières premières auparavant issues de son propre potager, que la jeune femme vient dénicher dorénavant auprès de producteurs de la région. Pointu, le soin qu’elle apporte à son sourcing dénote son souci de préparations « bien-être », qui se préoccupe de la santé de ses clients, endossant avec responsabilité sa dénomination d’« apothicairerie culinaire ». Un goût du partage et de la curiosité qui fait l’ADN de Carlotta With, et que sa fondatrice tend à faire également partager hors des quatre murs de son restaurant lors de sessions de catering. Des opportunités d’explorations gustatives qui mettent à nouveau à l’épreuve son sens de l’esthétisme et de la surprise pour tous les palais !

Carlotta With, 84 Bd Vauban, 13006 – Marseille. Ouvert du mercredi au samedi de 8h à 16h et de 18h à 23H. Réservation au 09 72 59 49 71 et sur leur site www.carlottawith.com/.

texte

Juliette Bruneau

Photographies

Valerio Geraci

TSF

Charlotte, pouvez-vous vous présenter ?

Charlotte

Je suis marseillaise d’origine italienne du côté de ma maman, corse du côté de mon papa. J’ai grandi dans une famille où la cuisine avait une double fonction, elle était à la fois un vecteur d’amour et de générosité, mais avait également un caractère « fonctionnel ». Il y a beaucoup de sportifs de haut niveau dans ma famille et l’alimentation devait aussi être au service de la performance physique. Plus tard, j’ai compris qu’elle pouvait aussi être au service du bien-être et de la performance intellectuelle.

TSF

Quel est votre parcours ?

Charlotte

J’ai d’abord fait des études de finance à l’université Paris Dauphine, une année de césure à New York en marketing et j’ai terminé par un master 2 (toujours à Dauphine) en entrepreneuriat. Mon stage de fin d’études était la création de mon restaurant, Carlotta With ! Cela peut donc paraître bizarre, mais je n’ai pas d’autres expériences que celle de la création de mes entreprises (mon restaurant et mon service traiteur sur mesure). Cela dit, depuis que je suis toute petite, je suis passionnée par la cuisine et par l’entrepreneuriat. Je ne savais pas quel serait mon métier plus tard, mais je disais être sûre de vouloir « créer mon propre monde ».

TSF

Racontez-nous la genèse de votre projet gourmand Carlotta With ?

Charlotte

C’est vraiment lors de mon année à New York que j’ai mûri mon projet de restauration et de « cuisine alternative ». J’imaginais un monde où l’on pourrait sincèrement bien manger au restaurant, pas juste bon, mais aussi bien. La nuance est très importante pour moi. Il y a énormément de chefs issus de l’ancienne génération qui sont capables de créer des plats grandioses tout en utilisant certains produits qu’on sait aujourd’hui peu bénéfiques pour la santé : sucres et farines blanches, ovoproduits, additifs… Au début, j’ai pensé créer un label pour les restaurants, garantissant à la fois une qualité gustative, d’approvisionnement mais aussi un aspect santé, autant dans la sélection des matières premières que dans les procédés de cuisson, les méthodes de conservation, etc. Mais je vivais à ce moment-là au sein d’une famille dont la maman Frédérique était créatrice de bijoux (Ginette NY) et c’est elle qui m’a vraiment poussée à me lancer : je passais mon temps libre à cuisiner et elle ne cessait de me dire qu’il fallait absolument que je fasse ça de ma vie ! J’ai postulé dans mon master 2 avec un projet qui ressemblait sensiblement à Carlotta With, j’ai été prise et c’est là que tout a commencé.

C’est vraiment lors de mon année à New York que j’ai mûri mon projet de restauration et de « cuisine alternative ». J’imaginais un monde où l’on pourrait sincèrement bien manger au restaurant, pas juste bon, mais aussi bien.

TSF

  • « Apothicairerie culinaire », mais aussi delicatessen : votre adresse est un lieu à l’identité hybride et aux dénominations variées. Expliquez-nous leurs sens.

Charlotte

Pour moi, ce sont des jeux de mots, des orientations de la pensée. Je ne suis pas réellement une apothicairerie, qui est l’ancêtre version « nature » de la pharmacie, mais cela permet d’affirmer que notre façon de cuisiner et le choix des produits que nous utilisons témoignent de notre volonté de contribuer à un équilibre, au bien-être et à une vision positive de la santé pour nos clients. Le sens de delicatessen en découle : le delicatessen est à l’origine une épicerie-traiteur. Les produits que nous proposons à l’épicerie sont exactement ceux que nous travaillons en cuisine. Cette identité hybride, ce côté épicerie, nous permet d’être très transparents sur nos matières premières, mais aussi de créer du lien avec nos clients. Ils nous demandent des conseils sur les différents produits, comment nous les cuisinons, et nous partageons en retour des recettes avec eux. Cela les rassure sur la qualité de ce que l’on sert et nous permet d’être le plus transparents possible mais de façon très naturelle, sans surjouer.

TSF

  • Comment élaborez-vous vos menus à majorité végétaux ?

Charlotte

Je tiens une « bible » depuis que je suis toute petite avec des recettes de plats qui m’ont marquée, que j’ai goûtés lors de voyages, que j’ai testés ou que j’ai envie de tester. Parallèlement, j’ai un petit carnet dans lequel j’écris sans cesse des inspirations de créations qui me passent par la tête. Encore parallèlement, je passe beaucoup de temps à faire des essais culinaires sans but précis, juste en écoutant mon intuition. Et j’écris des cahiers de recherches à la suite de ces essais, par exemple « recherche printemps 2022, recherche menus chromatiques, recherche glaces végétales… ». Il y a beaucoup de choses que je n’utilise pas immédiatement mais qui, je le sais, me serviront pour plus tard. C’est pour ça que j’ai besoin de tout écrire. Au moment où je crée un menu, je me mets dans une bulle, je fais un mix de tout et ça vient toujours de manière assez fluide, comme si dans ma tête, c’était déjà écrit.

TSF

  • Ici, la médecine holistique dicte les gestes en cuisine, notamment pour la cuisson des aliments travaillés. Pourquoi avoir fait le choix de suivre ces préceptes ?

Charlotte

Ma maman a vécu en Californie et avec mon grand frère, on a été élevés aux graines, farines alternatives, gâteaux végans et à la méthode de cuisson douce ! Ça fait partie de notre ADN. Et comme je le disais plus haut, mon papa et mon frère étaient aussi athlètes professionnels donc l’alimentation avait vraiment un rôle important. Ma volonté, c’était d’adapter ces préceptes et de les appliquer dans une cuisine très généreuse, méditerranéenne, ensoleillée, qui a aussi bercé mon enfance au travers de mes grands-mères et arrière-grands-mères. Je me disais : « Je veux que ce soit incroyablement bon et généreux comme avec Maria mon arrière-grand-mère et que ce soit aussi sain et nutritif qu’avec ma maman. » C’est, encore et toujours, ma ligne directrice quand je crée une nouvelle recette.

Je tiens une « bible » depuis que je suis toute petite avec des recettes de plats qui m’ont marquée, que j’ai goûtés lors de voyages, que j’ai testés ou que j’ai envie de tester.

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  • Vous apportez également un soin particulier au sourcing de vos produits. De qui vous entourez-vous pour fournir vos cuisines en matières premières ?

Charlotte

J’ai commencé en rencontrant énormément de producteurs de la région, en plantant fruits, légumes et plantes aromatiques dans mon jardin (depuis, je n’ai plus de potager car c’était impossible à gérer avec mon restaurant). Mais je privilégie toujours la relation avec les producteurs. C’est très important de comprendre comment ils travaillent, leur relation à la terre en général. Pour la plupart, je travaille avec eux depuis le tout début. Maintenant, il y a aussi des associations qui collectent les aliments chez les producteurs et cela facilite un approvisionnement de qualité aux restaurateurs. Quand je rencontre un nouveau producteur avec qui je souhaiterais travailler, je le mets tout de suite en contact avec la plateforme paysanne locale (une des associations) qui nous livre déjà tous les mercredis.  Mon objectif à terme est de pouvoir mettre un visage sur chaque ingrédient que nous utilisons. C’est majoritairement le cas pour les produits locaux, mais c’est évidemment plus difficile pour des produits lointains comme le chocolat et le sucre, par exemple, même si les choses bougent et que je suis certaine que, d’ici peu, cet objectif sera atteint. Bernadette et Alex, fondateurs de Zone Bleue, font ce travail de sourcing dans le monde entier, ils fournissent des produits exotiques merveilleux tout en maintenant ce lien de proximité avec chaque artisan.

TSF

  • Le 84 Bd Vauban propose également un service de catering et des ateliers culinaires. Des activités sous le signe du partage. Quelle valeur a pour vous la notion de transmission en cuisine ?

Charlotte

Je dis tout le temps qu’il n’y a qu’une seule personne qui m’a appris la cuisine, c’est mon arrière-grand-mère Maria. Sa cuisine avait la spécificité d’être très mélangée et hors de tout cadre. Elle était romaine, vivait en France et était mariée à un Espagnol d’origine algérienne. Je ne l’ai jamais vue faire autre chose que cuisiner, mettre le couvert, débarrasser, ranger la cuisine et recommencer. Tout ce que je savais lorsque j’ai commencé ce métier, c’est elle qui me l’a appris. Je regrette tellement de ne pas avoir appris TOUT ce qu’elle savait faire, que je crois que c’est pour ça que j’ai besoin de tout noter, de tout garder. Même si la meilleure des transmissions, c’est le moment d’échange avec la personne, du « faire ensemble », bien plus que les cahiers de recettes. Je fais encore beaucoup de prestations traiteur sur mesure car c’est vraiment un travail de partage et de cocréation avec mes clients. Nous échangeons beaucoup. J’essaie de comprendre quel est leur désir profond, autant dans l’ambiance que dans le format ou le menu, et je crée à partir de leur volonté. La semaine dernière, nous avions une prestation pour une marque de shampoing très engagée sur l’écologie, nous avons créé un menu uniquement à partir d’ingrédients locaux et réalisé une cueillette sauvage dans le parc des calanques. Le menu était également chromatique, orange et blanc, aux couleurs de la marque. En ce moment, je travaille pour un autre client sur un menu qui est comme un « parcours dans la nature » où aucune personne présente au dîner ne mangera exactement le même plat, de la même façon qu’aucune d’entre elles ne rencontrerait jamais exactement la même fleur en marchant dans la nature… Mon arrière-grand-mère était capable de tous nous réunir à la même table et de créer quelque chose d’unique pour chacun de nous, je garde toujours en moi cette volonté. Par contre, je ne fais plus beaucoup d’ateliers culinaires, faute de temps, mais je travaille sur un autre modèle de transmission !

Je dis tout le temps qu’il n’y a qu’une seule personne qui m’a appris la cuisine, c’est mon arrière-grand-mère Maria. Sa cuisine avait la spécificité d’être très mélangée et hors de tout cadre.

TSF

  • Coin librairie, bar : votre adresse est un lieu de dégustation mais aussi de vie qui invite à la détente et au bien-être. Comment avez-vous pensé ses différents espaces ?

Charlotte

Les différents espaces ne sont pas séparés les uns des autres. Je les ai imaginés dans un ensemble. Vous pouvez vous rendre dans mon restaurant sans vous rendre compte que nous sommes également une librairie culinaire, une épicerie… et ça peut au contraire appeler votre regard. Tout dépend de ce que vous recherchez. Quand j’ai créé ce lieu, j’ai souhaité que le restaurant soit un lieu de destination, c’est-à-dire que les gens s’y rendent avant tout pour la cuisine. Tout ce qui est autour est un plus : quelque chose à grignoter pour l’apéritif de ce soir, un souvenir à rapporter, des ingrédients pour un plat à refaire chez soi, un livre qu’on a apprécié feuilleter pendant son déjeuner, une bouteille d’huile d’olive qui sublime notre séjour en Provence… Il n’y a donc ni parcours ni espace prédéfinis, c’est très libre et je cherche avant tout à ce que l’expérience soit différente pour chaque client, que chacun puisse y trouver un petit bout de ce qu’il aime.

TSF

  • Brutaliste et urbaine, la décoration de Carlotta With est également vintage. Quelles inspirations ont guidé l’aménagement des lieux ?

Charlotte

J’ai travaillé en collaboration avec l’architecte Raphaël Mougel (qui est également mon cousin) pour l’aménagement et la décoration des lieux. Nous avons mélangé nos univers, parfois contradictoires : ça a donné ce que c’est aujourd’hui, un lieu très brut, minimaliste dans le choix des matériaux et dans la rénovation, mais qui dégage aussi beaucoup de chaleur et de douceur, habillé de pièces chargées d’histoire, de pièces plus luxueuses au milieu d’autres qui sont très simples, très brutes. Je pense par exemple au comptoir en terrazzo avec incrustation de laiton et de cuivre, posé sur un bar dont le système mécanique apparent est simplement recouvert d’un grillage en fer. Nous avons récemment travaillé avec la designer Marion Chabot sur la création d’un rideau en chaîne métallique pour cacher l’entrée des cuisines. Celui-ci est inspiré de bobines de chaînes d’or comme on en trouve souvent chez les fabricants de bijoux (la joaillerie étant l’autre univers qui me passionne après la cuisine). Je crois que nous possédons avec Raphaël en commun cet attrait pour le métal : lui pour son côté brut, moi pour son côté précieux. On me dit très souvent qu’on se croirait à New York quand on entre dans mon restaurant. C’est marrant car je n’ai pas en tête un lieu d’inspiration, mais j’imagine que mon expérience de vie là-bas a forcément influencé mes choix décoratifs.

TSF

  • Où vous retrouverons-nous prochainement ?

Charlotte

À partir du 22 juin, du mercredi au samedi soir, dans la cuisine de mon restaurant et du dimanche au mardi, sur les routes de la Méditerranée, pour des prestations privées et sur mesure.

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