Émilie Luc-Duc et Alexis, Greta 18 mois
Soupesés, sautillants, les mots s’échappent de la bouche incandescente d’Émilie Luc-Duc avec une élégance sûre. Véritable...
chez
Charlotte Vauvillier et Jean-Baptiste Bouvier font la paire. Diplômés des Arts Déco, ces deux fondus de design ont respectivement fondé une agence d’architecture d’intérieur et une boutique aux puces. Spécialisé dans le mobilier français d’après-guerre, le stand du marchand regorge de créations d’artistes de l’U.A.M. (Union des Artistes Modernes) parmi lesquels Marcel Gascoin ou Jean Prouvé. Une passion qui ne se retrouve que très peu dans leur intérieur hétéroclite, volontairement moins pointu. Fait d’additions et de perspectives, l’appartement composite est un véritable livre ouvert. Les époques y sont mêlées, dévoilant au fil des structures, contournements et extensions des histoires dont seul l’immeuble – datant de 1623 – a le secret. Le tout dans 41 m². Une performance signée Charlotte, qui a réussi à y créer un vrai trois-pièces, agrémenté d’un espace bureau à part entière. Des travaux rondement menés, qui coïncident joyeusement avec l’arrivée de Louis.
Charlotte, pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre appartement ?
Cet appartement est « composite ». Il est le résultat d’une addition de différents espaces d’époques variées : l’immeuble date de 1623. Les deux pièces principales sont celles de l’hôtel particulier primitif. Mais au XIXᵉ siècle, des coursives en structures métalliques ont été construites pour relier le deuxième étage à des espaces plus secondaires sur l’arrière de la cour. Le résultat est un appartement charmant et atypique dans lequel on circule grâce à de petits escaliers, contournements et extensions. Après notre mariage, nous avons décidé de nous y installer mais des travaux s’imposaient. J’ai donc décidé de remanier l’appartement en tenant compte des besoins d’un couple ayant le projet d’avoir un enfant : terminé l’auberge espagnole ! Il nous fallait créer un vrai trois-pièces avec un espace bureau à part entière, le tout dans 41 m². Un sacré défi. La cuisine s’est retrouvée à la place d’une chambre, la salle de bains à la place de la cuisine. La coursive, qui accueillait au départ un dressing, est devenue mon bureau. « L’agence », comme dit Jean-Baptiste avec taquinerie. Il y a une véritable dimension archéologique dans cet appartement, et, tout au long des travaux, nous avons découvert d’anciennes portes ou fenêtres. L’accès à la chambre parentale se fait par exemple par une extension du XIXᵉ siècle qui débouche sur un encadrement de fenêtre en pierre de taille du XVIIᵉ siècle, que nous avons décidé de conserver visible. Nous nous y sommes finalement installés en 2013, après quatre mois de travaux.
Jean-Baptiste, comment définiriez-vous votre style en termes de mobilier ?
Je présente exclusivement des meubles des membres de l’U.A.M. (Union des Artistes Modernes) qui est aujourd’hui considérée comme le grand mouvement moderne français du XXᵉ siècle, fondateur de ce qu’on appellera bien plus tard le « design ». Certains d’entre eux sont illustres comme Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier, Jean Prouvé, Charlotte Perriand ou encore Marcel Gascoin. Ce mouvement, qui débute dans les années 1920 et s’achève dans les années 1950 avec la Reconstruction, me fascine car il dépasse l’histoire des arts décoratifs et relève plus largement de l’histoire de France. À la maison, nous avons une approche plus « cool » et hétéroclite. Nous passons notre temps à chiner et cet exercice nous amène à découvrir et à nous ouvrir toujours un peu plus. Ainsi, nous nous autorisons des « accidents » et fonctionnons beaucoup par associations, additions et compositions. Prenons comme exemple cette rencontre entre un meuble du créateur italien Giuseppe Pagano en buxus (sorte de papier mâché) datant des années 1920, cette céramique française de Denise Gatard de la fin des années 1940, ce tableau abstrait de Léon Texier (proche de Sonia Delaunay) daté de 1947 et le « Kelly » des années 1970 de Charlotte qui un soir, par hasard, y a trouvé sa place.
Est-ce facile de concilier vie de famille et meubles signés ?
Nous avons une belle table basse de Pierre Paulin de 1954 sur laquelle notre fils Louis adore expérimenter toutes sortes de bruits et matériaux. Il y a bien quelques traces sur le plateau, mais « les choses ne s’usent que si l’on s’en sert ». Voilà le juste destin d’un objet. Bien entendu, nous redoutons un peu la première fleur au feutre rouge sur la chaise de Jean Prouvé. Concernant les céramiques, Charlotte a trouvé une solution parfaite : elle dépose Louis à la crèche pendant la semaine et range les vases le week-end.
Où passez-vous le plus de temps chez vous ?
Dans le salon, que nous avons organisé selon différents points de vue. Chaque endroit où l’on s’assoit a sa propre perspective. Nous avons pensé notre intérieur comme un paysage fait de différents panoramas.
La pièce pas chère dont vous êtes le plus fiers ?
Juste avant notre mariage, nous avons acheté pour 20 euros une très jolie table d’appoint de Mathieu Matégot. Nous ne savions pas encore qu’elle servirait à poser nos alliances lors de la cérémonie dans une petite église de pêcheurs en Bretagne. Radiohead pour la marche nuptiale, le psaume XXIII chanté par Daniel Darc et Sébastien Tellier pour la sortie : un grand moment d’amour et de rock’n’roll. Nous avons réconcilié tous nos amis avec la messe ! Il nous semble aujourd’hui impensable de nous en séparer. Elle est un petit repère de notre vie.
Que manque-t-il chez vous ?
200 ou 300 m² !
Le meuble qui vous tient le plus à cœur ?
Le meuble italien de Giuseppe Pagano, car c’est le premier meuble que nous avons choisi ensemble au moment notre installation.
La chaise de Jean Prouvé qui m’a coûté un bras !
La pièce de vos rêves les plus fous ?
Une étagère de la Maison du Mexique de Charlotte Perriand. Tout simplement…
J’ai commencé cette vie d’antiquaire alors que j’étais encore étudiant, en collectionnant et en vendant les premiers procédés photographiques du XIXᵉ siècle. Je pense à un daguerréotype français pleine plaque (qui est un tirage unique) que j’ai pu avoir entre les mains représentant un retour de chasse. Il était daté de 1848. Quelques hommes élégants posant sur le perron d’une belle demeure avec leurs trophées. Je regardais l’un d’eux, assez vieux pour avoir connu la Révolution française et cette idée me semblait vertigineuse. C’est mon petit côté romantique.
Un designer iconique ?
Josef Hoffmann, grand acteur de la sécession viennoise. Formellement, j’aime l’aspect graphique et franc de son travail, ses dessins sont d’une grande simplicité, toujours agrémentés d’un détail que l’on pourrait comparer à de la coquetterie et qui n’en est pas.
Marcel Gascoin. Je le considère, dans le domaine du mobilier et de l’aménagement intérieur, comme l’acteur le plus important de l’après-guerre. Proche de Prouvé et de Mallet-Stevens avant la Seconde Guerre mondiale, son rôle au moment de la Reconstruction est fondateur. Entrepreneur, dessinateur, créateur, il est également formateur. Il va en effet jouer un rôle charnière entre la génération de l’entre-deux-guerres et la jeune génération qui, forte de cet héritage conceptuel et esthétique, sera d’une efficacité incomparable. Je pense à Pierre Paulin, Joseph-André Motte ou encore Pierre Guariche qui vont, au début des années 1950, tous travailler pour lui dans son agence l’ARHEC.
Où chinez-vous à Paris ? Trois adresses à nous donner ?
Nous avons trois adresses préférées et pas seulement à Paris. Les Puces en premier lieu ! L’endroit est incomparable, le monde entier y passe. Les meilleurs antiquaires parisiens y font leurs armes. La seconde est un petit brocanteur près de chez nous en Bretagne. Nous n’y trouvons jamais rien, mais c’est un plaisir d’aller y jeter un œil et cela nous rassure que ce genre de professionnels existe encore face aux sites internet « spécialisés » dont le concept se rapproche souvent au mieux de l’erreur et au pire de la maladresse destructrice. La troisième adresse ? Partout ! Oui, partout, car « la chine » est un exercice et un jeu de chaque instant. Où que l’on se trouve, on trouve.
Jean-Baptiste, quelle est votre journée type en tant que marchand ?
Les journées sont longues, je chine tôt le matin puis pars m’entraîner, une douche, un peu de comptabilité… Tout va très vite après 50 e-mails et deux heures le nez dans la documentation. Puis l’apéro arrive enfin. La semaine passe, le week-end arrive et je suis déjà aux Puces !
Pouvez-vous nous donner une bonne recette de cuisine familiale ?
Si Charlotte fait des cuisines, à la maison Jean-Baptiste fait la cuisine ! Nos recettes sont plutôt rustiques, nous cuisinons souvent un plat unique. En hiver, j’adore réaliser une bonne potée auvergnate. Je déglace de la poitrine fumée au vin blanc, j’ajoute les choux déjà blanchis, je fais revenir, j’envoie les carottes ainsi que les navets, les fenouils et les poireaux puis je verse de l’eau. J’ajoute les saucisses qui peuvent être de Montbéliard, de Morteau ou de Toulouse, ne soyons pas psychorigides, et je laisse mijoter pendant deux bonnes heures. J’achève l’opération en y ajoutant de la coriandre fraîche, généreusement, ça allège.
Quelle sera votre prochaine destination de vacances en famille ?
Tourtour, le village dans le ciel ! Alors que Cherbourg et Locquirec sont nos destinations les plus directes car nous y avons chacun des attaches familiales, notre prochaine destination sera sans doute dans le Haut-Var d’où nous revenons après un séjour magnifique avec un couple d’amis et leur petite fille. Nous avons découvert qu’il pouvait faire plus de 18 degrés en plein été. Une véritable révélation. Même si vingt-deux heures de voiture ont été nécessaires en passant par Agen !
Crédits : Constance Gennari @thesocialitefamily
Bonjour Charlotte,
Et merci ! C’est sur qu’on ne se lasse pas de les lire…
Quel plaisir !
À très vite sur The Socialite Family.
Merci pour c’est beau reportage,j’ai toujours hâte de vous lire.
Bonjour Camille,
C’est toujours un plaisir de lire de si gentils retours.
On vous promet des surprises, encore et encore. En espérant qu’elles vous plaisent !
À très vite sur The Socialite Family.
C’est magnifique ! Il y a pleins de belle pièces que j’aimerais piquer !
Bises
Coline
http://bienvenuechezcoline.com
Bonjour Coline,
Merci Beaucoup ! C’est vrai que leur passion transpire à travers leurs meubles. On s’y perd, tellement il y a à regarder.
À très vite sur The Socialite Family.
Coup de coeur absolu pour la lampe qui se trouve au dessus de M. Jean-Baptiste quand il est assis sur son fauteuil Geoffrey Harcourt. Est-il possible d’en avoir la référence?
Reportage esthétique et sympathique – Merci
Bonjour Elsa,
La lampe est une applique de 1950 éditée par Lunel.
Merci pour votre retour sur ce reportage ! Nous sommes ravis qu’il vous plaise.
À très vite sur The Socialite Family
Très chouette cette visite, quel humour a ce couple !!