Séverine et Jérome Hermary, Roméo 16 ans
L’histoire de Séverine Hermany et de sa famille avec cette maison commence comme beaucoup d’autres. Un désir de changement, la magie...
chez
De sa mère, première femme criminologue au Liban et féministe avant l’heure, Joumana Jacob a gardé l’indépendance d’esprit et le goût de la liberté. De son père, amateur d’art et de grandes tablées, une capacité à « saisir le bonheur dans chaque recoin où il pourrait se trouver et à voir la beauté partout ». Et ce, malgré la souffrance engendrée par le drame de la guerre et de l’exil. Ayant grandi entre Beyrouth et Paris, la fondatrice de Maison Joumana a donc appris très tôt à célébrer la vie. À chaque instant ! Animée par le beau et le bon, « des univers qui me touchent, m’apportent de l’émotion, me font du bien », celle qui évolue guidée par l’instinct et l’émotion a décidé de réunir ses deux passions au cœur d’un hôtel particulier bordelais. Le point de départ d’une aventure mêlant art et cuisine, fortement influencée par l’hospitalité libanaise. Abritée par un jardin luxuriant, cette bâtisse – où elle vit avec ses deux fils et reçoit – lui a d’emblée donné l’impression « d’être dans une vieille maison beyrouthine ». Une familiarité idéale pour recréer « la maison de famille jamais eue à Beyrouth », peuplée par une myriade d’objets du passé et habitée d’une « mélancolie heureuse », où artistes, amis et curieux défilent. Un joyeux ballet que l’ex-institutrice compte bien continuer à construire et à faire grandir… ailleurs ! Ne pensant pas qu’un lieu soit « là pour toujours », c’est dans d’autres villes que le bonheur selon Maison Joumana tend à se profiler. À Paris, tout d’abord, après un tout récent retour aux sources du côté de Pigalle. De nouveaux horizons teintés de plats à l’inspiration « de saison, libanaise, méditerranéenne et d’ailleurs » que l’on imagine facilement accompagnés de rires et de bonnes bouteilles avec l’arrivée des beaux jours. Une philosophie de l’instant à s’approprier.
C’est un exercice assez complexe que de se présenter ! J’aime la vie. La célébrer à chaque moment, plonger mes mains dans la farine, être autour d’une table auprès de mes amis, le vin, les gens, l’art sous toutes ses formes, rire, aimer. J’ai créé Maison Joumana en 2020 à Bordeaux. Un lieu de vie qui mêle art et cuisine avec évidemment une forte empreinte d’hospitalité libanaise.
J’ai grandi entre Beyrouth et Paris, auprès d’un père épicurien, qui aimait faire la fête et recevoir des amis autour de bons repas et de bonnes bouteilles. Mon enfance a été rythmée par les rires des amis et les verres qui trinquent malgré la souffrance et le drame de la guerre et de l’exil. Il était amateur d’art, sensible à ce qu’on appelle le beau mais il m’a surtout transmis cette capacité à saisir le bonheur dans chaque recoin où il pourrait se trouver et à voir la beauté partout. Ma mère, suite à la guerre, était plus sombre. J’ai appris avec elle à affronter et à regarder en face cette part plus noire qui est en nous, à l’apprivoiser. Elle avait été la première femme criminologue au Liban et défendait le droit des femmes. C’était une féministe avant l’heure. D’elle, j’ai gardé l’indépendance d’esprit et le goût de la liberté. J’ai plaisir à m’entourer de beauté. Par exemple avec des meubles, des tableaux… Mais celle qui me touche le plus, c’est celle que je perçois dans les personnes qui m’entourent. J’ai aussi la chance d’être émerveillée par la beauté des fruits et des légumes, c’est pour cela que j’aime les cuisiner. Le beau et le bon ont toujours été associés à une forme de bonheur. Ainsi, ma vie s’articule autour de ces deux axes !
Ce métier, qui semble nouveau car il l’est d’un point de vue professionnel, est ce que j’ai toujours fait. En fait, il s’inscrit dans la continuité plutôt que dans la nouveauté. J’ai toujours cuisiné pour de grandes tablées, aimé recevoir, accueillir et partager. Parmi ces amis, il y a certains artistes dont le travail me touche. Cela m’a amenée à créer Maison Joumana pour tout relier, afin d’y consacrer mes journées et plus seulement mes soirées.
Ce fut une véritable rencontre ! J’ai tout de suite été sous le charme de cette bâtisse qui m’a donné l’impression d’être dans une vieille maison beyrouthine. J’ai eu tout de suite envie d’écrire une partie de son histoire. Les portes intérieures anciennes et le jardin luxuriant m’ont d’emblée semblé familiers. Tout comme le nid des oiseaux, je ne pense pas qu’une maison soit là pour toujours, j’y suis de passage. Nous y construisons quelque chose, nous y grandissons en quelque sorte et nous nous en allons vers de nouveaux horizons. J’ai habité beaucoup de lieux, en commençant par un studio puis un petit appartement à Bagnolet. Je n’ai plus arrêté de déménager ensuite. J’ai aimé retaper ces espaces, leur donner une autre vie, m’y inscrire pour un moment, m’y sentir bien puis partir pour un autre projet.
Ce sont deux univers qui me touchent, qui m’apportent de l’émotion, me font du bien. Comme ce sont l’instinct et l’émotion qui guident ma vie, j’ai naturellement eu envie de mêler ces deux univers. C’était évident. J’ai donc réuni autour de la cuisine – la vie ! – et de la table, prétexte à la rencontre, des artistes qui me touchent. Lamia Ziade, une grande artiste libanaise, a fait le logo et j’espère partager d’autres aventures avec elle. Virginie Clavereau, dont l’émotion me fait vibrer, a exposé mais elle a aussi effectué une résidence et une performance. Nous continuons de collaborer pour d’autres projets. Ryoko Sekiguchi, dont j’admire le travail d’écriture, est venue présenter son livre sur Beyrouth et nous avons organisé un repas libano-japonais. De nouvelles aventures auront lieu avec d’autres amis comme Hanna Benmeyer, graphiste et céramiste, Tracy Zeidan, véritable couteau suisse à la fois architecte, scénographe et graphiste mais aussi Arnold d’Alger… et j’espère beaucoup d’autres !
J’ai tout de suite été sous le charme de cette bâtisse qui m’a donné l’impression d’être dans une vieille maison beyrouthine (...) Les portes intérieures anciennes et le jardin luxuriant m’ont d'emblée semblé familiers.
Vous accueillez littéralement « chez vous ». Qu’est-ce que cela change, occasionne, concrétise dans vos rapports avec « l’autre » ?
C’est difficile à dire car je ne sens pas de frontière et cela ne change rien, pour moi, dans mon rapport à l’autre. Vous devriez poser la question à ceux qui viennent (rires). Pour moi, l’intimité, c’est autre chose. Et si elle devait se caractériser par un lieu, ce serait ma chambre à coucher… Et, pour l’instant, je n’y reçois pas (sourire). Enfin, si, mais là c’est une autre affaire (rires). J’ai toujours accueilli chez moi, et puis ce n’est ni un restaurant ni ouvert sur la rue. Les repas, rencontres artistiques et expositions se font sur privatisation. Il faut réserver avant, donc finalement la frontière se pose ainsi. C’est comme Arnold d’Alger du bazar d’alger (que j’adore !) et qui accueille chez lui pour des ateliers, tout simplement sans se poser de question. Mes enfants étaient habitués à avoir tout le temps du monde à la maison, donc ça n’a pas été un grand changement pour eux non plus.
C’est éclectique, car cela n’a pas été consciemment réfléchi pour être beau ou pour aller ensemble, mais pour répondre à mes émotions. Pour cette maison, où je me suis installée suite à un long voyage au Liban au cours duquel j’ai perdu mon frère et ma mère, j’ai eu envie de recréer l’atmosphère de la maison de famille que nous n’avons jamais pu avoir à Beyrouth. J’y ai mélangé des meubles ayant appartenu à mes parents ainsi que d’autres, chinés. Il y en a aussi que je garde au fil du temps. On y ressent une atmosphère mélancolique heureuse, il me semble. J’aime être entourée des objets du passé, cela me permet d’être plus inscrite dans le moment présent : les objets portent cette histoire et cette trace, ma tête peut alors s’en décharger. Si les traces de mon passé disparaissent de mes yeux, elles viennent s’incruster dans mes pensées. Ce n’est pas, malgré les apparences, une façon d’être tournée vers le passé, mais au contraire mon moyen de l’accepter et d’être ici, maintenant.
Chaque pièce est ma favorite en fonction du moment de la journée ou de mon état d’esprit.
Pour flâner, le Musée d’art contemporain, les Puces de Saint Michel, le quartier des Chartrons. Pour un repas, Symbiose, Bibi, Au bon jaja, soif. Pour manger, acheter et boire du vin, Le Flacon st Michel qui accueille aussi d’excellents chefs en résidence. Et hors saison, il faut aller se promener le long du Bassin ou de l’océan au Cap-Ferret.
À Paris ! Et si le contexte le permet, à Londres, à Athènes et à Beyrouth bien sûr (il faut bien commencer par rêver, non ?)
L’air du temps, l’inspiration, une envie d’avancer !
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